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I

Il est inutile de rappeler par qui l’école de Rome fut créée. Beaucoup de gens seraient en peine de dire quel était le prédécesseur de François Ier ou le successeur d’Henri IV ; mais personne n’ignore et ne veut paraître ignorer que l’Académie de France à Rome a été fondée par Louis XIV et par Colbert. C’est pour ce grand roi et son ministre le titre d’immortalité le plus pur. Cette institution devint aussitôt populaire, vraiment française, chère à notre orgueil, plus chère encore à la pairie, qui l’adoptait pour jamais.

En effet, après cent vingt-huit ans de paix et d’éclat, l’Académie de France à Rome, fille des rois, ne fut pas seulement respectée par la révolution, elle fut protégée avec une vigilance particulière. Le 25 novembre 1792, la convention, alarmée par l’hostilité de la population romaine, plaçait l’école sous la direction immédiate de l’agent français près le saint-siège. Peu de temps après, l’émeute chassait les pensionnaires, obligés de se réfugier à Naples auprès de M. de Mackau, et le secrétaire de l’ambassade, M. de Basseville, mourait assassiné dans le Corso, parce qu’il avait dérobé ses compatriotes aux fureurs de la populace. L’Europe était en feu, Rome fermée ; la convention, pour assurer malgré tant de dangers la perpétuité de l’œuvre de Louis XIV, rendît un décret, le 1er juillet 1793, par lequel une pension de 2,400 francs était assurée pendant cinq ans aux artistes qui remporteraient les grands prix.

À peine la tempête fut-elle apaisée, que le directoire ordonna à son tour la réintégration de l’Académie de France à Rome[1]. Ce ne fut cependant qu’en 1801, sous le gouvernement du premier consul, au moment où se signait le concordat, que put avoir lieu la restauration de l’académie. Le nouveau directeur, Suvée, échangea le palais de Nevers contre la villa Médicis, et ménagea ainsi aux jeunes artistes la retraite la plus noble, la plus silencieuse, la plus favorable à l’inspiration et au travail, au milieu d’une architecture grandiose, de fontaines jaillissantes, de bois que dominent les pins de la villa Borghèse, au-dessus de la ville éternelle, qui s’étend au pied du mont Pincio. Napoléon Ier voulut même compléter une institution dont il comprenait toute la beauté. Sous la royauté, les grands prix de Rome se bornaient à trois : prix de

  1. L’article VII de la loi du 25 octobre 1795 est ainsi conçu : « Les artistes français désignés à cet effet par l’Institut et nommés par le directoire exécutif seront envoyés à Rome. Ils y résideront cinq ans dans le palais national, où ils seront nourris et logés aux frais de la république. Comme par le passé, ils seront indemnisés de leurs frais de voyage. »