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elle fait la grandeur des belles époques de l’art, est encore le salut des époques de doute et de transition.

L’école de Rome reçut en 1832 la récompense de tant d’efforts : M. Mandrin remporta le grand prix, Flandrin, le disciple chéri de M. Ingres, et qui avait reçu de lui la science du portrait, ce brevet de peintre d’histoire ; Flandrin, qui devait unir la pureté antique à la simplicité chrétienne et tracer des pages immortelles sur les murs de Saint-Vincent-de-Paul et de Saint-Germain-des-Prés.

Après Flandrin, des pertes cruelles ont frappé l’école et enlevé à la fleur de l’âge quelques-uns des peintres sur lesquels se fondait son espoir : Papety (prix de 1836), dont le Rêve de bonheur fut si vanté, et qui avait rapporté de si beaux dessins de Grèce, d’Orient et surtout des couvens byzantins du mont Athos ; Buttura (1837), qui avait eu le temps de faire admirer son talent de paysagiste dans ses vues du Forum, de Tivoli et son Saint Jérôme ; Léon Benouville (prix de 1845), qui avait représenté les Martyrs dans le cirque, et dont le Saint François d’Assise n’aurait pas été désavoué par les maîtres. Malgré ces vides, l’école cite avec orgueil des noms qui sont répétés par toute la France : Pils (1838), qui a retracé nos victoires de Crimée ; Hébert (1839), le peintre de la Mal’aria, dont le pinceau exprime une sympathique mélancolie ; Cabanel (1845), que la Mort de Moïse, la Glorification de saint Louis et ses peintures décoratives ont fait entrer à l’Institut avant l’âge de quarante ans ; Baudry (1850), qui a peint la Fortune et le jeune Enfant, le Supplice d’une Vestale, de beaux portraits, et qui possède le don de la couleur dans la mesure des Vénitiens. Ensuite paraissent d’autres talens qui ont mérité l’estime des connaisseurs et fixé aussi l’attention du public : Barrias (1844), l’auteur des Exilés de Tibère, Lenepveu (1847), le peintre du Martyre de saint Saturnin, qui serait déjà célèbre, s’il avait tracé sur les murs d’une église de Paris les vigoureuses et nobles compositions qu’il a exécutées dans une chapelle d’Angers ; Boulanger (1849), habile à représenter tour à tour les Grecs ou les Arabes, les intérieurs de Pompéi ou les scènes de la Kabylie ; de Curzon (1849), qui retrace avec tant de distinction et de pureté les ruines de Pæstum et d’Athènes ; Bouguereau (1850), l’auteur de Sainte Cécile transportée dans les Catacombes. Je passe sous silence des artistes plus jeunes qui, à peine revenus de Rome, se préparent à entrer en lice à leur tour et rêvent la gloire.

Certes, lorsqu’en moins de cinquante années (de 1801 à 1850), une institution produit vingt-six peintres qui marquent parmi leurs contemporains, qui honorent l’école française par leurs œuvres, qui s’illustrent par les aptitudes les plus diverses, lorsqu’elle compte deux hommes comme M. Ingres et M, Flandrin, je dis qu’une telle