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étroitement unis dans ces fêtes nationales, dont les perspectives flottantes et lointaines contrastaient avec les prochains embarras de la politique. Les peuples voyaient, non sans raison, dans ce progrès des relations personnelles entre leurs souverains, une promesse d’utile union entre les différens membres de la nationalité Scandinave. Pendant la guerre des duchés, en 1850, un corps d’auxiliaires suédois était venu dans l’île de Fionie, sans toutefois sortir d’un simple rôle d’observation ; la Suède en pareilles circonstances ferait plus aujourd’hui, témoin le traité négocié entre les deux gouvernemens en présence de la menace récente d’une exécution fédérale, et dont l’agitation allemande ne peut que hâter les effets. Ce qu’on appelle le scandinavisme a produit ce résultat important, que Frédéric VII avait contribué de tous ses efforts à préparer.

En étudiant de près le règne et la vie du roi que le Danemark vient de perdre, on le verrait encourager l’essor de la nationalité danoise même par quelques-uns de ses goûts et de ses penchans personnels. Sa simplicité de mœurs plaisait et semblait contraster avec les habitudes germaniques, à tel point que nous avons entendu attribuer son second divorce avec une princesse de Mecklembourg à son invincible antipathie pour la raideur des petites cours allemandes. Son goût prononcé pour les études archéologiques paraissait inspiré par le même vif sentiment de la nationalité. Après les heures données aux affaires, il n’avait pas de plus chères occupations que de présider la célèbre société des antiquaires du Nord, ou bien il dirigeait quelque fouille de sépulture antique, rédigeait un mémoire, déchiffrait une inscription, et ne se retirait jamais plus satisfait que lorsque des études ou des explications nouvelles avaient démontré une fois de plus la profonde différence qui sépare la race purement germanique des nations Scandinaves.

Comme roi de Danemark, Frédéric VII était aussi souverain d’un duché danois, le Slesvig, et de deux duchés allemands, le Holstein et le Lauenbourg, et c’était pour ces deux dernières provinces que les traités de 1815 l’avaient fait entrer dans la confédération germanique. La population des duchés, laissée à ses propres inspirations, eût probablement accueilli volontiers la constitution libérale de 1849 ; mais le gouvernement danois rencontrait là des intérêts féodaux et allemands, des privilèges de grands propriétaires fort ombrageux de leur nature. D’autre part, les grandes puissances ayant reconnu le principe de l’intégrité de la monarchie danoise, c’était dès lors un droit évident et même un impérieux devoir de tenter l’œuvre difficile d’une constitution commune reliant ensemble toutes les parties, en laissant à chacune d’elles une autonomie incontestée. Il fallait seulement sauvegarder avec soin l’existence séparée du Slesvig, duché essentiellement danois, et le protéger contre l’influence des