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Quelle est la situation financière révélée par le rapport de M. Fould ? Quel degré d’efficacité a eu le nouveau système inauguré il y a deux an par ce ministre ? Quelles sont les causes de cet indomptable accroissement des découverts qui rend aujourd’hui, en temps de paix, un emprunt de 300 millions indispensable ? Quelles sont les causes accidentelles et quelle est la cause générale de ce phénomène ? Voilà les grandes questions qui devront être agitées par le corps législatif. La petite question sera d’arrêter le mode d’exécution de l’opération financière. Jetons d’avance un coup d’œil rapide sur les divers élémens de cette situation.

Personne n’a méconnu le double caractère du rapport de M. Fould sur notre situation de trésorerie. Ce rapport est franc et triste. Il est franc, car il permet aux personnes les moins clairvoyantes dans les matières financières de se rendre compte de l’état vrai des choses ; il est triste parce qu’en effet cet état de choses n’est pas de nature à satisfaire un ministre intelligent qui doit avoir le point d’honneur de la prospérité des finances françaises. M. Fould est réduit à nous apprendre que les découverts ont atteint de nouveau, à peu de chose près, le chiffre auquel il les avait trouvés à sa rentrée au ministère ; ils représentent une somme de 972 millions, bien voisine de ce déficit d’un milliard qui effraya tant les imaginations il y a deux ans. Cette révélation prend une signification plus fâcheuse quand on la rapproche d’autres explications fournies par le rapport. Ainsi un projet de loi portant allocation de crédits supplémentaires s’élevant ensemble à 93 millions vient d’être présenté au corps législatif. Ces 93 millions de dépenses supplémentaires se décomposent ainsi : 63 millions pour la marine et pour la guerre représentant les dépenses extraordinaires occasionnées en 1863 par la guerre du Mexique, et 30 millions demandés par le ministère des finances, destinés en grande partie à pourvoir à l’insuffisance du crédit ouvert pour primes à la sortie des sucres. Ce crédit supplémentaire réclamé par le ministère des finances donne lieu à une observation bien naturelle. En réalité, les primes payées à la sortie des sucres ne sont que la restitution des droits payés par les sucres à l’entrée. Le produit des droits payés par les sucres importés figure intégralement dans les ressources ordinaires ; une stricte régularité exigerait que les primes à l’exportation fussent complètement défrayées par les ressources ordinaires, puisque ces primes ne sont qu’une restitution partielle des droits perçus ; il devrait y avoir dans un budget bien équilibré une latitude suffisante pour qu’on pût faire face avec les revenus ordinaires à cette restitution d’une partie des droits perçus. Il n’est point conforme à la nature des choses, il est regrettable que l’on soit réduit à s’ouvrir un crédit supplémentaire pour faire une dépense qui n’est autre chose que le remboursement d’une recette ordinaire dont on a perçu la totalité.

Nous ne relevons ce détail que pour montrer à quel degré de tension notre gestion financière a porté l’emploi et l’affectation des ressources.