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sion de l’emprunt, prendre corps à corps cette ruineuse chimère des entreprises lointaines, ce cauchemar universel de l’expédition du Mexique. Il est bien remarquable que, de quelque côté que l’on envisage l’expédition du Mexique, on ne trouve que des raisons de la déplorer. Au point de vue des principes de la révolution française, on ne peut que regretter cet effort tenté à l’aventure pour changer par la force de nos armes le gouvernement d’un peuple. Quand on examine la conduite militaire de l’expédition, on remarque d’étranges erreurs dans les prévisions, des lacunes funestes dans les préparatifs. Quand on songe aux résultats politiques de l’entreprise, on est effrayé des difficultés qu’elle peut, dans un avenir peu éloigné, nous susciter avec les États-Unis. Quand on évoque la candidature de l’archiduc Maximilien, on souffre à l’idée que des soldats français ont pu donner leur sang ou trouver dans les hôpitaux une mort misérable pour dresser à un prince étranger, qui ne se décide même pas à courir les chances périlleuses de son ambition hésitante, le plus baroque et le plus fragile des trônes. C’est maintenant par le côté financier que l’affaire mexicaine se présente à nous. Une dépense accomplie de 210 millions, un emprunt de 300 millions à contracter, voilà la note à payer qu’elle nous apporte. La fatalité de cette affaire mexicaine, c’est qu’on ne lui voit point d’issue ; l’impossibilité d’en pressentir la conclusion fait aussi la gravité de la question mexicaine au point de vue financier. Outre les dépenses déjà faites, on se trouve en présence de dépenses à faire auxquelles aucun terme ne peut être raisonnablement assigné. L’illusion d’un remboursement prochain ou même d’une compensation possible des frais de la guerre par le Mexique doit être virilement écartée par la chambre et reléguée dans la région des éventualités les moins probables. La chambre se trouvera donc en présence non-seulement des frais que l’expédition du Mexique a coûtés, mais de ceux qu’elle coûtera encore. Cette entreprise a exercé sur nos finances la pression la plus fâcheuse ; l’intérêt de nos finances donne le droit et impose le devoir à la chambre d’en exiger la prompte conclusion.

Il y a dans l’origine et le développement de cette affaire la coïncidence la plus malencontreuse avec les idées de réforme financière que M. Fould avait apportées au pouvoir. Qu’on se rappelle le point de départ. On était à la fin de 1861. La Revue des Deux Mondes avait reçu de M. de Persigny un avertissement pour avoir signalé les fâcheuses tendances de notre situation financière : mais un mois après paraissait dans le Moniteur le fameux rapport de M. Fould, qui justifiait toutes nos appréciations. L’empereur, avec un empressement qui l’honorait, se ralliait aux idées du nouveau ministre, se dépouillait d’une grande prérogative, renonçait à l’ouverture des crédits supplémentaires par décrets. Une nouvelle phase politique s’ouvrait dont le mot d’ordre était pour tous : économie dans les dépenses, réduction des découverts, contrôle vigilant de la chambre. Les rentiers français scellèrent le contrat en faisant aux promesses de cette nouvelle ère un sacrifice qui