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moyen le plus sûr d’arriver au prompt classement des nouvelles rentes. Ce sont là des finesses de métier qui ne peuvent guère influer sur le résultat réel de l’emprunt. Ce que l’on appelle le classement d’un emprunt, c’est-à-dire le travail transitoire par lequel les inscriptions arrivent aux mains de ceux qui en seront les détenteurs définitifs et permanens, est soumis à des conditions de temps, lesquelles dépendent elles-mêmes du rapport de l’offre et de la demande, de la proportion qui existe entre la somme des rentes offertes par le gouvernement et les ressources actuelles des capitalistes disposés à immobiliser leurs fonds en effets publics. Aucun mode d’émission n’est capable de modifier les termes de ce rapport. De quelque façon qu’on s’y prenne, on mettra sur le marché des rentes nouvelles, toujours pour la même somme de 300 millions en capital. Quel que soit le procédé d’émission que l’on adopte, adjudication, souscription nationale ou option offerte aux anciens porteurs de rentes, on n’augmentera ni ne diminuera les ressources des capitalistes qui sont prêts à acquérir des rentes nouvelles. Dans tous les cas, une portion de l’emprunt se classera également vite, et une autre portion demeurera pendant un même espace de temps à la charge de la spéculation ; dans tous les cas aussi, après comme avant l’emprunt, le cours des fonds publics restera soumis à l’influence des mêmes circonstances-financières et politiques.

Plus que jamais aujourd’hui les marchés financiers et le cours des fonds publics sont placés sous la dépendance de la situation politique. La situation politique actuelle de l’Europe n’est malheureusement pas susceptible d’être démêlée et régularisée par une inspiration soudaine promptement exécutée. Elle représente au fond un état chronique maladif sur lequel les plus petits incidens menacent à chaque instant de tourner à la crise aiguë. Il faut renoncer à la panacée idéale que l’on espérait obtenir de cette consultation des augustes malades de l’Europe qu’on appelait le congrès. La conclusion des grandes puissances, dans leur réponse à l’invitation impériale, est identique à celle de la première dépêche de lord Russell. On applaudit à la généreuse pensée du congrès, mais l’on demande d’abord des explications sur les points qui seront soumis à ses délibérations. En ce qui touche les formes diplomatiques, que peut faire le gouvernement français devant de telles réponses ? Nous ne serions pas surpris que notre gouvernement se rendît à ces demandes d’explications préliminaires qui lui sont présentées. Cette condescendance à l’humeur temporisatrice des puissances continentales aboutira évidemment, après nous ne savons combien de semaines, à la réponse déclinatoire que lord Russell n’a mis que quinze jours à expédier. Quoi qu’il en soit, il restera toujours de cette bruyante expérience le jugement franc et hardi porté par l’empereur sur la situation précaire de l’Europe. Il y a des timorés que cette forte déclaration avait effarouchés. Pourquoi, suivant eux, déclarer à l’Europe qu’elle est en danger ? L’annonce d’un mal éventuel partant de si haut crée un mal immédiat.