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ils suivent, bien qu’appartenant au rite latin, le calendrier oriental, et célèbrent toutes les fêtes chrétiennes en même temps que leurs compatriotes de religion grecque. Les mariages mixtes, soumis chez eux à des dispositions particulières et libérales réglées par le pape Paul V, sont fréquens dans les îles ; Il n’existe en réalité aucune barrière entre eux et la population du rite oriental dans l’état ionien ; aussi le préjugé byzantin contre les catholiques y a tout à fait disparu, et la différence des communions n’exerce aucune influence sur les relations de la vie civile ou politique. Au lieu d’être simplement juxtaposées et hostiles l’une à l’autre, comme dans le reste de l’Orient, les deux populations, grecque et catholique, n’en forment qu’une seule où l’esprit de division n’existe pas. Les conséquences politiques de cet état de choses sont considérables. Dans les îles de la mer Egée, les catholiques sont admis à tous les emplois en vertu de la constitution grecque et de la tolérance pratique inhérente au génie du peuple hellène ; mais ils se tiennent à l’écart de ceux de leurs compatriotes qui professent la religion dominante ; ils évitent de se confondre avec eux et cherchent à former une petite nation séparée dans le sein de la nation ; ils ne s’associent à aucun des sentimens qui remuent le pays, ils s’éloignent de la vie publique, et, après n’avoir pris aucune part aux luttes de l’indépendance, ils semblent demeurer étrangers à l’esprit national. Leur influence est nulle, comme il arrive en tous pays à ceux qui s’abstiennent. Dans les Iles-Ioniennes, au contraire, les sentimens patriotiques sont aussi ardens et aussi actifs chez les catholiques que chez les habitans de religion grecque. Appartenant en général aux classes élevées de la société, les catholiques se sont montrés parmi les plus fervens promoteurs de l’idée de réunion à la Grèce, et ont fourni plus d’un chef au parti national. Aussi, de même que les catholiques s’étaient rendus la veille en foule au Te Deum de l’archevêque grec, la population du rite oriental se pressait-elle dans une respectueuse attitude à la cathédrale catholique pour assister au Te Deum de l’archevêque latin.

Cette cérémonie fut la répétition de celle de la veille, moins brillante seulement, car une pluie torrentielle avait empêché les habitans des villages de revenir en ville. Je n’insisterai pas au reste sur le récit de ces manifestations d’enthousiasme populaire, qui forcément, à mesure qu’elles se prolongeaient, se répétaient avec les mêmes incidens. Il suffira de mentionner les promenades de la matinée du dimanche 10, où les corporations de Corfou allèrent successivement chez le lord haut-commissaire et chez les consuls-généraux de France et de Russie porter des adresses de remercîmens aux souverains des trois nations signataires du traité du 13 juin,