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protection à l’industrie nationale. Comment, sous un semblable régime, une fabrique pourrait-elle se fonder et prospérer ? Aussi ne saurait-on citer un seul produit manufacturé des Iles-Ioniennes : A part les beaux moulins de M. Miliarésis à Céphalonie, il n’y existe pas une seule usine. Ici encore la situation de la Grèce est de beaucoup supérieure. Il ne faut pas se figurer, sur la foi de certains romanciers, que « le brigandage soit la seule industrie existante en Grèce. » Quelque lent qu’y ait été le développement industriel, quelque éloigné qu’il soit de ce qu’il pourrait et devrait être déjà, le royaume hellénique a cependant remporté vingt-deux médailles à la dernière exposition de Londres. On compte une dizaine d’usines à Syra, sept ou huit entre le Pirée et Athènes, une grande filature de soie auprès de Patras, une autre à Sparte, une autre à Calamata, et cette année même, malgré la révolution, un établissement considérable pour l’égrenage du coton se monte à Livadie. C’est bien peu par rapport aux autres pays de l’Europe, mais c’est beaucoup par rapport aux Iles-Ioniennes, où l’on ne rencontre que le néant.

Au moins cet état de choses si fâcheux pour le pays est-il compensé par le développement de la navigation marchande, qui pour la Grèce est la principale source de richesses ? La réponse doit encore être négative, car il importe à l’Angleterre que les Iles-Ioniennes soient, à l’entrée de l’Orient, un vaste entrepôt de marchandises anglaises apportées par des bâtimens anglais. Avec des côtes partout découpées, une population très apte à la marine, avec des ports naturels aussi merveilleux que ceux de Corfou, d’Argostoli et d’Ithaque, les Iles-Ioniennes comptent à peine 400 navires de commerce à voiles de 100 à 200 tonneaux, tandis que, sur la côte opposée du royaume hellénique, des bourgades comme Galaxidi ont 263 bâtimens sur les mers du Levant, tandis que la flotte de commerce de la Grèce monte en tout à 3,984 navires à voiles, dont 1,480 au-dessus de 150 tonneaux, et 12 grands bâtimens à vapeur. Si nous consultons les tableaux du mouvement de la navigation dans les ports des deux pays, nous trouvons : dans les Iles-Ioniennes, à l’entrée, 504,946 tonnes, dont 110,853 sous pavillon ionien, et à la sortie 500,928 tonnes, dont 111,619 sous pavillon ionien ; en Grèce, à l’entrée, 913,174 tonnes, dont 415,453 sous pavillon hellénique, et à la sortie 912,816 tonnes, dont 415,772 sous pavillon hellénique. Ainsi, dans la Grèce, bien près de la moitié du mouvement commercial se fait sur des bâtimens portant le pavillon national, et dans l’état ionien c’est seulement un peu plus du cinquième. En 1815, lorsque la Grande-Bretagne établit son protectorat sur les sept îles, la marine ionienne était dans une situation tout autre ; elle comptait parmi les plus florissantes du Levant, et il ne