Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CAMPAGNE D'ESSAIS
DE
L'ESCADRE CUIRASSEE

Après deux mois d’une laborieuse croisière, l’escadre cuirassée est rentrée à Cherbourg le 25 novembre 1863, riche d’études et d’idées nouvelles, heureuse des résultats qu’elle a obtenus et constatés avec une abondance de preuves et de travaux qui semblent ne plus permettre de conserver aucun doute sur le mérite de la marine nouvelle. Il y a peu de jours, celle-ci était encore très discutée, et il n’était pas rare de rencontrer des officiers, même d’un grand mérite, qui, sans nier ses qualités comme instrument de combat, croyaient cependant devoir faire de prudentes réserves quant à ses qualités nautiques. Les sceptiques disaient que ces bâtimens n’avaient pas de hauteur de batterie suffisante et que la moindre agitation de la mer éteindrait le feu de leurs batteries, qu’ils devaient rouler effroyablement à cause des poids énormes qu’ils portaient sur leurs flancs, qu’ils devaient gouverner mal à cause de leur trop grande longueur, qu’ils devaient éprouver beaucoup de difficulté pour s’élever à la lame, qu’ils devaient se délier et se détruire très rapidement sous la triple influence du poids de leurs coques, de l’action réciproque que le fer et le bois exercent l’un sur l’autre, des courans galvaniques qui ne pouvaient manquer de s’établir entre le fer des plaques, et le cuivre du doublage, que sais-je encore ? Tout cela se disait, et de bonne foi, non pas seulement parce qu’il est dans l’ordre des choses que toute innovation soit combattue à sa naissance, mais aussi parce que l’administration de la marine interdisait avec une jalousie que je n’ai jamais pu comprendre l’accès