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navire d’ailleurs n’a souffert d’avaries d’aucune espèce ; il en a été de même pour la Couronne, sauf la perte de quatre embarcations. le Magenta et plus encore le Solferino ont éprouvé des accidens qui auraient pu devenir graves, mais qui provenaient uniquement de malfaçons dans le tuyautage et dans les organes secondaires de leurs machines. Ces accidens ne prouvent donc rien dans la question. La Normandie, qui a été la plus maltraitée, a embarqué quelques paquets de mer, pendant qu’au plus fort du coup de vent elle recevait volontairement la lame par le travers, et elle a perdu son petit mât de hune et son bout-dehors de foc ; mais sont-ce là des avaries sérieuses ? Et lorsqu’après les avoir éprouvées, le navire a changé d’allure pour prendre la mer debout, il n’a plus embarqué une goutte d’eau.

C’est le bilan complet des navires cuirassés. Toutes leurs coques sont restées intactes, elles ont été visitées avec le soin le plus minutieux, et l’on n’a pas pu découvrir qu’elles aient aucunement fatigué, ni qu’elles aient subi aucune déflexion.

Le sort des bâtimens non cuirassés a été très différent. En faisant tête à la lame, le Napoléon a eu sa poulaine défoncée. Il a fallu le rentrer au port pour le réparer. Le Talisman, moins solide et moins puissant, ne pouvait pas, dès le 28, suivre la manœuvre de l’escadre quand elle filait dix nœuds contre une mer debout bien moindre que celle qui se fit dans le coup de vent. Il embarquait alors de l’eau par l’avant et par l’arrière. C’est dans cette journée que son hélice a souffert de telle sorte que, pendant le coup de vent, son capitaine a été contraint de tenir la cape à la voile et de continuer sans machine jusqu’au rendez-vous devant Ouessant. Par suite d’un hasard assez singulier, mais surtout instructif, le Talisman, qui était le seul navire de la division pourvu d’un puits, c’est-à-dire d’un appareil destiné théoriquement à remonter son hélice afin de pouvoir la visiter, la préserver en cas de danger ou la réparer en cas d’avarie, est aussi le seul navire de la division qui ait dû passer au bassin, et cela précisément pour une avarie survenue à son hélice, mais à laquelle il était impossible de remédier même dans les eaux tranquilles du port. Il a fallu l’échouer dans le bassin avant de pouvoir le remettre en état de continuer la campagne. La déviation qui s’est manifestée dans le système de l’hélice ne provient-elle pas d’une faiblesse, d’un manque de liaison causé dans l’arrière du navire par la construction même d’un puits ?

En résumé, et ne parlant seulement encore que des éventualités de la tempête, l’épreuve que l’on venait de faire enseignait que les navires cuirassés avaient mieux résisté que les autres au mauvais temps, que les avaries qu’ils avaient faites ne leur étaient pas propres,