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poser de nouveau, et la résoudre autrement ? Tels sont les points que nous avons l’intention d’examiner. Aujourd’hui comme en 1799, et avec plus d’inquiétude peut-être, on se préoccupe de l’avenir de la statuaire. Sans méconnaître l’éclat qu’elle a jeté depuis la renaissance jusqu’à nos jours, on regrette que la sculpture française n’ait pas eu un progrès assez continu, une verve assez abondante, un accent assez moderne et assez national. On est ambitieux pour elle. Les uns lui reprochent de se traîner dans l’ornière de la routine, les autres d’incliner au réalisme, qui serait, disent-ils, sa ruine. Comment la placer dans la voie qui est la sienne, et où est cette voie ? Faut-il, pour la trouver, regarder en arrière et remonter timidement le cours des traditions ? Faut-il au contraire rompre avec le passé, se précipiter en avant et n’attendre que de la fantaisie le renouvellement et le progrès ? Ou, sans courir de tels hasards, convient-il cependant de renoncer à la prétention vaine de recommencer l’art grec, et ne serait-ce pas un sage parti que de poursuivre seulement quelque heureuse et possible alliance entre la forme idéale et l’esprit moderne ? Ces diverses questions, que se pose journellement la critique sérieuse, s’éclairciront peut-être, si nous recherchons avec Émeric David d’abord quelles furent les causes physiques, religieuses et politiques de la perfection de la sculpture grecque, puis quelles en furent les causes techniques et philosophiques ou esthétiques, enfin jusqu’à quel point ces mêmes causes ont pu agir et pourraient agir encore sur les destinées de la sculpture moderne.


I

Celui qui s’est proposé de découvrir les principes de l’art rencontre tôt ou tard devant lui un fait primitif et inexplicable, la vocation. On naît poète (ce mot d’un ancien est resté vrai ; mais on naît artiste aussi et, parmi les artistes, les uns naissent musiciens, les autres peintres, les autres sculpteurs, les autres architectes. Quelques hommes à peine ont possédé plusieurs de ces aptitudes à la fois ; encore faut-il remarquer que les arts qu’embrassa leur génie étaient frères, comme les arts du dessin, et qu’ils y excellèrent inégalement. Cette puissance native, la science aura beau faire, elle ne l’enfantera jamais, pas plus qu’elle n’arrivera par la synthèse chimique à créer un homme vivant ou même un simple brin d’herbe. Pareillement certains peuples naissent artistes ; bien plus, parmi les arts qu’ils cultivent avec succès, il en est presque toujours un ou deux qu’ils s’approprient par une sorte d’énergique affinité, dont ils font l’expression éminente de leur caractère, et où ils deviennent et