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de main de maître par M. Cousin en plusieurs endroits de ses ouvrages. L’excellent livre de M. Paul Janet sur la dialectique de Platon et celle de Hegel en contient aussi une discussion à peu près définitive. Bornons-nous à reproduire quelques lignes de Quatre-mère de Quincy, l’auteur illustre du Jupiter Olympien, un véritable artiste philosophe celui-là, qui consacra un ouvrage spécial à réfuter l’erreur incroyable d’Émeric David. « En vain, dit l’auteur de l’Essai sur l’idéal dans les arts du dessin, en vain argumenterait-on encore de l’étymologie grecque du verbe eidô. Ne sait-on pas que les Grecs avaient plusieurs mots affectés à exprimer l’action plus ou moins matérielle de la vue ? Or les verbes oraô et optomai étaient ceux qu’ils appliquaient particulièrement à l’action de cette vue qui discerne les objets corporels et extérieurs. Les lexiques en font foi, et ils nous apprennent en outre que le verbe eidô signifiait plus expressément ce qu’on appelait voir par les yeux de l’esprit, et on le disait de l’intuition intérieure et métaphysique. » C’est précisément cette intuition intérieure, excitée par les yeux, mais distincte de la vue, qu’Émeric David a niée pour n’avoir su la démêler ni dans la théorie platonicienne, ni dans le génie idéaliste des artistes grecs, ni dans son propre entendement.

Il était cependant doué de cette exquise faculté, comme tant d’autres qui s’en servent chaque jour, sauf à s’en moquer dès que les philosophes la nomment. Son ouvrage en est à la fois la négation et l’affirmation éclatante. Si cette faculté n’est rien et n’existe pas, où donc Émeric David a-t-il appris que « la beauté du corps de l’homme consiste dans sa parfaite ressemblance avec l’exemplaire original que la nature s’est donné pour modèle, et qu’elle représente dans ses productions, toutes les fois que ses moyens agissent avec une entière liberté ? » De deux choses l’une : ou un tel exemplaire est dans la nature, et alors je dois posséder, pour en parler, le pouvoir de le discerner au sein de tant d’imperfections qui l’entourent ; ou bien cet exemplaire ne se rencontre nulle part dans la réalité, auquel cas ceux qui le définissent si exactement ne peuvent l’avoir aperçu qu’au plus profond de leur pensée. Dans l’un et dans l’autre cas, on en revient à l’idéalisme ; Pourquoi donc alors travestir Platon et l’abaisser à la mesure d’un disciple de Condillac ? Pourquoi vanter avec emphase ces Grecs « plus simples que nous, » qui mettaient, dit-on, la vérité avant l’idéal, puisqu’on devait finir par proposer aux jeunes artistes six règles ; dont trois au moins signifient : qu’il faut agrandir, et rectifier la nature, c’est-à-dire imposer l’idéal à la réalité ? Ces inconséquences commises de bonne foi trahissent un esprit en qui la sagacité de l’historien et la profondeur du philosophe n’égalaient pas la sensibilité de l’artiste. Mieux instruit