Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprudences de ce système, juvenilia d’un vif esprit qui combat pour la liberté de l’âme, pour l’affranchissement du domaine intérieur, et qui, à force de craindre toute ingérence étrangère, pourrait encourir bien à tort le reproche de fanatisme. « L’auteur était bien jeune, disait-il plus tard lui-même en souriant, et la matière aussi. » Pour moi, ce ne sont pas les erreurs du livre qui m’étonnent ; je suis plutôt surpris qu’il y en ait si peu. Il fallait un admirable instinct pour poser ainsi les bases du grand libéralisme au milieu d’une société encore si peu préparée à le comprendre. Que de vérités tout à coup découvertes ! quels éclairs au milieu de nos brouillards ! Ce livre, mal composé, sera le programme d’une vie de méditations ; l’auteur le recommencera sous maintes formes ; il le refera toujours plus vif, plus pressant dans toutes les phases de sa carrière, et quand il partira de ce monde à la veille de nos dernières crises sociales, il le léguera comme un principe de vie à la civilisation de l’avenir.

La liberté de conscience, la liberté de culte, considérées comme les seuls moyens de régénérer les consciences et de servir le progrès religieux, voilà toute la thèse d’Alexandre Vinet ; mais, comme il s’adresse à des classes d’esprits très divers, comme il parle à des politiques, à des philosophes, à des croyans, il se place tour à tour à chaque point de vue et montre à ses contradicteurs les avantages de son système. Ce n’est donc pas une revendication particulière, une théorie égoïste et hypocrite, comme chez les partis qui ne réclament la liberté que pour la confisquer à leur profit ; c’est vraiment, on peut le dire, l’hymne du droit commun entonné par une âme libéralement chrétienne. Au défenseur des prérogatives de l’état, il indique les embarras énormes que crée au pouvoir civil l’intervention dans les choses de conscience, tandis que la liberté, la liberté absolue, sans autre restriction que celle de l’ordre public et de la police extérieure, lui serait une source de bienfaits. Au philosophe hautain qui ne se préoccupe guère des intérêts de la religion, il fait comprendre que la liberté religieuse est le fondement de toutes les autres ; les adversaires de la liberté de conscience n’ont-ils pas été en tout temps les ennemis déclarés de tout développement de l’esprit ? Que feraient-ils de la philosophie, les hommes pour qui l’examen est funeste à la foi ? Que feraient-ils de l’histoire ? que feraient-ils même des sciences naturelles ? « Les sciences naturelles vont à la recherche de l’âge du monde et de ses révolutions, sans s’inquiéter des documens qu’a pu fournir sur ce même sujet tel ou tel système religieux. Quel que puisse être le véritable esprit de la religion, celui de la science est de recueillir des faits, de les constater et de les apprécier selon les lois de la logique,