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CÆLIUS
ET
LE JEUNESSE ROMAINE AU TEMPS DE CESAR.

Si l’on veut, en étudiant l’histoire des dernières années de la république romaine, se donner le plaisir piquant des contrastes, il suffit de placer la figure de Cælius en regard de celle de Brutus[1]. On ne saurait imaginer deux contemporains qui se ressemblent moins. Chacun d’eux avait précisément les qualités qui manquaient à l’autre ; ils étaient tout à fait opposés de caractère, d’opinions, de conduite, et si en somme leur destinée fut à peu près la même, on peut dire qu’ils avaient pris pour y arriver les routes les plus contraires.

Brutus cependant n’était parmi ses contemporains qu’une exception ; on admirait plus l’austérité de sa vie, son amour de la retraite et de l’étude, la fermeté de ses principes, l’ardeur de ses convictions, qu’on ne cherchait à les imiter. Ses vertus n’appartenaient qu’à lui, et, malgré le respect involontaire qu’elles inspiraient, on ne voit pas qu’elles aient exercé une influence sérieuse sur les mœurs de personne. Cælius au contraire est tout à fait de son temps ; il a vécu comme on vivait autour de lui. Toute la jeunesse d’alors, les Curion, les Dolabella, lui ressemblent. Ils sont tous, comme lui, corrompus de bonne heure, peu soucieux de leur dignité, prodigues de leur bien, amis des plaisirs faciles ; tous se jettent, dès qu’ils le peuvent, dans la vie publique avec une ambition inquiète, de grands besoins à contenter, peu de scrupules et point de croyances. Son histoire est donc celle de tous les autres, et l’avantage qu’on trouve à l’étudier, c’est de connaître d’un coup toute la génération dont il

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1863.