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chambre doit devenir un frein pour le pouvoir exécutif, et que le pouvoir exécutif, s’il cédait à des entraînemens déraisonnables, devrait rencontrer dans cette délibération une résistance et un obstacle. L’opposition peut voir dès aujourd’hui, par la gravité de la discussion qui vient de s’engager sur les crédits supplémentaires et par l’intérêt que le public a pris à ce débat, de quel profit le régime du sénatus-consulte de 1861 est en réalité pour-le pouvoir parlementaire. Sans le sénatus-consulte, nous n’aurions eu ni le rapport de M. Larrabure ni le discours de M. Berryer.

Mais, dit-on, le nouveau système n’a point empêché jusqu’à présent la rupture de l’équilibre du budget, le déficit, la nécessité de faire un emprunt en pleine paix. Nous le reconnaissons, le nouveau système en effet n’a pas empêché l’expédition du Mexique. Cela tient à plusieurs causes faciles à discerner. Pour que le régime du vote des crédits supplémentaires en temps opportun donne tous les résultats qu’on en doit espérer, il faut que ce régime exerce l’influence qui lui est propre et sur le gouvernement et sur le corps législatif ; il faut que le corps législatif s’habitue à comprendre la responsabilité et la puissance que lui assure dans les actes de la politique générale le vote opportun des crédits, et il faut que le gouvernement s’habitue, lui aussi, à compter avec le pouvoir qu’il a placé dans le corps législatif. Que la chambre des députés sente mieux aujourd’hui qu’il y a deux ans la force qu’elle doit au vote des crédits supplémentaires, personne ne pourrait le contester après ce qui vient de se passer. M. Berryer a blâmé le gouvernement de n’avoir pas prévu, dans le budget rectificatif de 1863, les excédans de dépenses auxquels les expéditions lointaines devaient donner lieu. Si en effet à cet égard le gouvernement a manqué de prévoyance au mois de mai de l’année dernière, sa faute, on en doit convenir, a été partagée par l’ancienne chambre. Le corps législatif eut dû alors, lui aussi, être vigilant, et exciter par ses estimations attentives et par ses pressantes interpellations la prévoyance du gouvernement. La même faute ne sera, point commise cette année, on peut en être certain. Si notre présence au Mexique se prolonge jusqu’à la fin de 1864, la dépense occasionnée par ce surcroît de durée de notre expédition ne peut être inférieure à 150 millions. Ni le gouvernement ni la chambre, nous l’espérons, n’oublieront dans le budget rectificatif de 1864 de consacrer un item important à cette prévision de dépense.

Le défaut de prévoyance qu’a éloquemment signalé M. Berryer se trahit aujourd’hui par des embarras financiers, lesquels, à leur tour, se présentent avec l’exigence impérieuse d’une sorte d’échéance commerciale, imposant la nécessité d’un emprunt ; mais, on a le droit de le dire, en de telles affaires, l’imprévoyance financière n’est point la véritable et première cause des embarras : l’imprévoyance financière n’est elle-même que la conséquence de l’imprévoyance politique. Nous disons ceci sans amertume, car les débuts de la chambre actuelle nous annoncent un contrôle plus vigilant et plus efficace que celui que le gouvernement avait rencontré