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en empruntant à chacun d’eux quelques-uns de ses traits les plus caractéristiques. Parfois ces traits se fondent pour ainsi dire de manière à donner une sorte de moyenne intermédiaire entre les extrêmes ; mais très souvent aussi ces traits sont simplement juxtaposés de façon à indiquer nettement les élémens ethnologiques qui sont entrés, dans la composition de cette race. Comme il s’agit ici d’un fait capital, je voudrais en donner la preuve, autant qu’on peut le faire sans le secours des figures.

Dans une tête de Tahitien qui appartient au Muséum, et qui peut être considérée comme un beau type de la race, le crâne proprement dit est haut, médiocrement allongé d’arrière en avant ; la courbe qu’il décrit du front à l’occiput est d’abord régulière ; mais s’aplatit brusquement en arrière. Les bosses pariétales placées sur les côtés de la tête sont peu prononcées. Le front est assez fuyant, quoique l’os frontal soit bien développé. Les orbites sont médiocrement espacés, les pommettes légèrement saillantes, les os du nez relevés et d’un développement moyen. La mâchoire supérieure est légèrement projetée en avant, en d’autres termes elle est prognathe et présente quelque chose de massif ; la mâchoire inférieure se courbe en dessous et présente aussi un prognathisme peu marqué.

L’ensemble que je viens d’esquisser accuse la fusion des caractères qu’on rencontre chez le blanc, le jaune et le noir. Il résulte de là qu’ils s’effacent et s’adoucissent réciproquement. En revanche dans d’autres têtes osseuses on distingue des traits bien plus accentués. Dans l’une, appartenant à un indigène des îles Marquises, la forme générale du crâne tend à se rapprocher de ce qui existe chez l’Hindou : le front se relève, les os du nez saillent davantage, la mâchoire supérieure s’évide, l’inférieure ne se projette plus en avant, Ici les caractères du blanc prennent incontestablement le dessus. Dans d’autres têtes au contraire, venant soit de la même localité soit d’ailleurs, le crâne s’allonge et se rétrécit ; les crêtes osseuses deviennent plus saillantes ; le front est très fuyant, les arcades sourcilières très prononcées, les pommettes saillantes en avant ; les os du nez, petits et concaves, sont soudés comme chez les Hottentots ; la projection en avant des deux mâchoires et des dents est aussi marquée que chez le nègre le plus pur. Ici la prédominance du type nègre mélanaisien[1]devient incontestable.

  1. On désigne par le nom commun de mélanaisiens les nègres qui peuplent une partie des iles de la Mer du Sud. Le double prognathisme maxillaire, c’est-à-dire la projection en avant des deux mâchoires, est un des traits qui les distinguent des nègres africains, chez lesquels en général la mâchoire supérieure présente seule cette disposition. En revanche et par suite même de cette première disposition, le nègre de Guinée a un double prognathisme dentaire, tandis que chez le nègre océanien les dents de la mâchoire inférieure sont souvent presque verticales.