Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comparée a du même coup jeté à bas du piédestal élevé par un certain panthéisme ce pauvre dieu Pan, qui s’est trouvé n’être, au lieu du grand Tout, que le patron des chevriers d’Arcadie. Les mots désignant l’étable se ressentent du temps où il n’y avait pas encore de bâtimens de ce genre, mais simplement des stations ou parcs en plein air où l’on passait la nuit. Il faut noter ici que le beurre fut très peu connu de la branche gréco-latine ; en revanche le fromage n’a de nom ni en sanscrit ni dans les anciennes langues du Nord. L’étude des antiquités aryennes a confirmé ce que l’on savait déjà par la Bible, c’est-à-dire que la richesse primitive consistait et s’évaluait, en troupeaux. Les noms qui désignent la propriété, l’argent, le butin, se rattachent partout à ceux du bétail et du troupeau.

Quant à l’agriculture, elle n’atteignit pas une si grande importance au temps de l’unité encore indivise du peuple aryen ; mais il est significatif que les branches européennes de la famille emploient des mots de même source pour désigner les principales opérations agricoles, telles que le labour, les semailles, la moisson, tandis que les langues asiatiques, le zend et le sanscrit, font défaut au parallélisme. Cela tendrait à confirmer le fait d’une première séparation en deux groupes, l’un resté asiatique ou hindou-iranien, l’autre devenu plus tard européen, et d’une supériorité relative de la vie agricole dans, celui-ci. Le joug est un mot universel dans la famille, ce qui montre que le bœuf fut la bête de traction par excellence. Le char, la roue, l’essieu correspondent à des mots fort anciens. Le battage du grain est un procédé inventé par les peuples du nord et qui resta inconnu à ceux du midi.

Il y avait chez le peuple aryen primitif des habitations fixes, construites en bois. On y pratiquait l’art de filer les résidus des plantes filamenteuses. Les noms du roseau et de la quenouille alternent à chaque instant d’une langue à l’autre. On connaissait aussi le tissage, et des indices suffisans attestent que l’instrument dont on se servait pour cela forçait le tisserand à travailler debout. Le tissage vertical est resté en usage aux Indes. Les anciens Égyptiens le pratiquaient également. D’après M. Livingstone, c’est aussi de cette manière qu’on tisse chez les peuplades de l’Afrique centrale.

La navigation ne sortit pas, chez nos pères, de sa première enfance. Les noms du bateau proprement dit et de la rame sont les seuls qui concordent, et cela prouve, conformément du reste à toutes nos hypothèses sur le pays qu’ils habitaient, qu’ils ne se sont exercés que dans la navigation fluviale, et encore sur une petite échelle[1].

  1. La racine très répandue nav ou nou a fait le naû sanscrit, le nâw persan, le ναΰσ grec, le noi irlandais, l’ancien allemand nâwa, et tandis que dans le latin navis elle arrivait à désigner les navires de grande dimension, dans l’armoricain new elle ne désignait plus qu’une auge, un baquet, et dans le nôi Scandinave qu’un vase. Les mots aussi ont leurs destinées. Le sens originel est celui d’une chose « qui marche. »