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REVUE. — CHRONIQUE.

l’intérêt de la paix et l’intérêt des alliances. Le gouvernement prussien a contracté envers le gouvernement moscovite une telle solidarité qu’il ne lui est guère possible de contrarier la Russie dans un intérêt vital de son existence, et personne n’admettra que l’Autriche, pour des affaires qui concernent la Mer du Nord et la Baltique, veuille de gaîté de cœur encourir le déplaisir et l’hostilité de l’Angleterre. Il ne faut donc point s’y méprendre, cette question du Slesvig-Holstein, si petite qu’elle soit sur la carte, a cette première conséquence, qu’elle crée une cause latente, et non encore peut-être entièrement développée, d’union entre l’Angleterre, la Russie, la Prusse et l’Autriche. Il semble à l’heure qu’il est que toute l’activité de la diplomatie anglaise soit appliquée à former cette union, afin d’assurer le maintien de la paix. Un premier pas a été fait lorsque la Prusse et l’Autriche se sont associées pour séparer leur politique de celle de la confédération germanique, et, comme elles disent, exercer leur rôle de grandes puissances. Ce fait du concert de la Prusse et de l’Autriche, toujours si jalouses l’une de l’autre, toujours en rivalité et en querelle, est si étonnant que l’on en demande avec curiosité l’explication. Il est ordinairement une chose qui met vite d’accord la Prusse et l’Autriche ; toutes les fois que ces puissances voient les états secondaires de la confédération s’entendre pour former en quelque sorte en dehors d’elles une troisième puissance allemande, et avoir la prétention d’intervenir au nom de l’Allemagne dans la discussion et la solution des questions européennes, on peut être sûr que Berlin et Vienne ne tarderont pas à s’entendre pour se réclamer de leur qualité et de leurs engagemens de grandes puissances et mettre le holà aux velléités ambitieuses de leurs confédérés. Cette sorte de jalousie qui naît de la constitution actuelle de la confédération est une première explication de l’accord de l’Autriche et de la Prusse. On en trouverait peut-être une seconde dans les attentions marquées que la diplomatie française a eues récemment pour les états secondaires : les diplomates de Vienne et de Berlin ont dû voir se dresser le fantôme abhorré de la confédération du Rhin ; les caresses de la France pour les petits états ont probablement pressé la Prusse et l’Autriche de s’unir et de concerter leur politique de grandes puissances. Ajoutez à cela l’influence des conseils russes et des incitations anglaises, et vous comprendrez facilement cette alliance subite de l’Autriche et de la Prusse.

Le jour où les cabinets de Vienne et de Berlin ont annoncé à la diète qu’ils séparaient leur action de celle de la confédération, il a été permis, ce nous semble, d’espérer que la guerre ne sortirait point du conflit dano-allemand. L’Autriche et la Prusse ont fait cette scission en invoquant leur rôle de grandes puissances : or c’est comme grandes puissances qu’elles ont signé le traité de 1852, qui règle la succession danoise ; leur résolution, signifiée à la diète, disait assez qu’elles n’entendent point répudier les engagemens qu’elles ont souscrits par ce traité, si de son côté le Danemark ne refuse point à l’Allemagne les satisfactions qu’il lui a promises en 1851. Par