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1857, il a suffi en Amérique qu’une banque, the Ohio and life insurance, fît faillite pour qu’immédiatement le public prît l’alarme et assiégeât toutes les autres banques pour avoir à la fois le remboursement de ses billets et de ses dépôts, et cependant, en ce qui concerne les billets, ils étaient parfaitement garantis ; ils ne dépassaient pas 8 millions de dollars contre une réserve métallique de 11 millions, et les porteurs avaient, avant les déposans, un privilège sur cette réserve : ils n’avaient donc qu’à attendre, et ils étaient sûrs d’être remboursés intégralement ; mais la panique s’en était mêlée, et toutes les banques furent obligées de suspendre leurs paiemens. Or, si une panique de cette nature a pu avoir lieu sur une place comme New-York, où il y a de grandes habitudes commerciales et partant une grande latitude pour le crédit, que se passerait-il chez nous avec notre vivacité d’impression ordinaire et avec un crédit qui est encore en France quelque chose d’assez nouveau ? Il est évident que le moindre échec qui arriverait à une banque d’émission mettrait toutes les autres en péril, et que si par exemple dans les circonstances actuelles il y avait plusieurs banques ayant du papier-monnaie en circulation, ces banques seraient assaillies de demandes de remboursement beaucoup plus que ne l’est la Banque de France toute seule. Les mêmes besoins existeraient, et comme on n’aurait pas dans la solidité de toutes ces banques la confiance qu’on a justement dans la Banque de France, on leur demanderait le remboursement de leurs billets non-seulement par besoin, mais par prudence, comme il arrive dans les momens de panique. Avec un établissement comme la Banque de France, le même danger n’est pas à craindre. On lui demande en temps de crise tout l’argent dont on a besoin, mais on ne lui demande rien de plus ; personne n’oserait soutenir qu’aujourd’hui la crainte soit pour quelque chose dans la diminution de l’encaisse métallique de la Banque de France.

Mais, dit-on, les besoins qui se manifestent sont des besoins factices que la Banque pourrait conjurer avec un peu plus d’intelligence, et si elle n’abusait pas de son monopole. Nous n’avons pas mission de défendre la Banque de France, nous savons tout ce qu’on peut lui reprocher en fait de routine et de formalisme ; elle n’est pas aussi libérale qu’elle pourrait l’être, et nous avons déjà relevé une partie des reproches qu’on peut justement lui adresser[1] ; mais qu’elle soit responsable des besoins d’argent qui se produisent aujourd’hui, qu’elle ait un moyen de les atténuer autrement que par l’élévation du taux de l’escompte, comme le prétendent

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1862.