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choquent quelques-unes des notions imparfaites ou erronées que nous possédons nous-mêmes sur ces peuples. Un examen plus éclairé y fait reconnaître la vérité et puiser de sérieux enseignemens. Et puis n’en est-il pas de même de l’histoire de tous les peuples à leur origine ? Sans remonter aussi haut et sans aller bien loin, l’histoire de l’Europe au moyen âge ne nous est-elle pas arrivée mêlée à bien des inexactitudes, à bien des erreurs, à bien des fables, que la critique moderne a su reconnaître et écarter pour atteindre aux faits et à la vérité ? Pourquoi ne pas agir de la même manière pour les traditions dont nous parlons ? Pourquoi surtout décourager soit les hommes qui s’efforcent de les recueillir en déclarant d’avance leur travail sans valeur, soit ceux qui cherchent à les interpréter en dépréciant de même les résultats auxquels ils arriveront ? Pour mon compte, je suis convaincu que cette histoire traditionnelle des peuples illettrés rendrait, si elle était mieux connue, d’immenses services à l’histoire générale de l’homme, et qu’elle jetterait un jour tout nouveau sur une foule de problèmes qui ont longtemps passé, qui passent encore pour inabordables.


II. — colonisation de la Nouvelle-zélande par la race polynésienne.

La question générale qui nous occupe en ce moment, renferme en réalité autant de questions, autant de problèmes particuliers, que la Polynésie possède d’archipels, d’îles, d’îlots habites par des hommes. Les examiner tous en particulier serait évidemment impossible, et d’ailleurs, nous n’hésitons pas à reconnaître que les documens manquent pour quelques-uns d’entre eux. Pour un certain nombre d’autres, les raisons qui militent en faveur du peuplement par migrations peuvent paraître encore insuffisantes et ne pas entraîner une évidence complète ; mais si nous mettons le fait hors de doute pour l’un des groupes insulaires les plus écartés, les plus en dehors de la route qu’on aurait pu prêter d’avance aux migrations, nous aurons fait faire un grand pas à la démonstration générale, et cet exemple éclairera les autres cas particuliers. Voilà pourquoi, sans nous astreindre à suivre l’ordre chronologique des découvertes, nous allons nous occuper d’abord de la Nouvelle-Zélande.

L’ensemble d’îles et d’îlots qu’on désigne sous ce nom[1] pré-

  1. On sait que la Nouvelle-Zélande se compose essentiellement de deux grandes îles séparées par le détroit de Cook, et dont l’ensemble a plus de seize cents kilomètres de long sur environ deux cents kilomètres de largeur moyenne. Dans un travail inséré dans les Bulletins de la Société de géographie, M. Maunoir, secrétaire-adjoint de cette société, a justement comparé la forme de cet ensemble a celle de l’Italie, en ajoutant