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C’est là votre secret, délicates abeilles,
Mais il n’est pas le seul de votre ardent labeur ;
Vous connaissez encore où sont les fleurs vermeilles
À la plus fine odeur.

Croissent-elles au bois plutôt qu’au sein des plaines,
Ou sur les fiers sommets qu’enveloppe l’azur,
Et qui, plus rapprochés des clartés souveraines,
Boivent un air plus pur ?

Dites, car je voudrais, en suivant votre trace,
Cueillir sur les hauts monts ou sous les bois penchans
Ce qui peut infuser le plus d’âme et de grâce
Aux poétiques chants.

Peut-être alors pourrais-je, artiste moins débile,
Laisser quelques douceurs dignes des fleurs d’Hybla,
Même un peu de ce miel qu’aux bords latins Virgile
Savamment distilla.

Peut-être… Mais pourquoi caresser l’espérance
D’égaler dans mes soins votre travail doré ?
Abeilles, je n’ai pas votre sainte innocence,
Votre esprit mesuré.

Abeilles, j’aurai beau, parmi les fleurs de l’âme,
Choisir celles qui font les bouquets les plus doux,
Et pénétrer mes vers de la céleste flamme
Qui resplendit en vous ;

De vos concerts, mes chants n’auront jamais les charmes,
Leur miel ne vaudra pas votre miel pur et clair ;
Nos temps sont trop troublés, nos cœurs trop pleins d’alarmes,
Pour qu’il n’ait rien d’amer.

AUGUSTE BARBIER.

Fontainebleau 1863.

LE DORMOIR DES VACHES.


Elles se reposaient à l’ombre des grands chênes.
Près d’elles arrivés, sur les mousses prochaines
Du dormoir notre pas s’arrêta quelque instant
Pour contempler l’effet du troupeau sommeillant.
À travers l’épaisseur des verdoyantes cimes,
Le soleil rayonnait, et ses lueurs sublimes,
Filtrant, glissant le long des troncs et des rameaux,
Parsemaient de points d’or le flanc des animaux ;
Puis le vent par bouffée avec ses fraîches ondes
Nous apportait l’odeur des laitières fécondes.