Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

individuel, quand il est servi par l’intelligence et la fermeté. Rien de pareil n’existait en 1829, quand M. Lavallée conçut un plan d’études préparatoires pour l’industrie, et se mit à l’œuvre avec ses seules ressources, sans le concours de l’état, et en s’entourant de collaborateurs libres comme lui. Il n’avait qu’une force à ses débuts : c’était d’être le maître de ses mouvemens et de ne relever que de ses inspirations. Cette force a suffi pour assurer le succès de l’établissement, dont son nom est inséparable. Quand il s’est démis, il y a peu d’années, entre les mains du gouvernement, le crédit de l’école était à son apogée ; elle obéit aujourd’hui au mouvement qu’il lui a imprimé, elle vit de ses traditions, et, avec une certaine indépendance, garde son caractère d’universalité. Elle est ouverte aux Français et aux étrangers, sans distinction. La durée des études y est de trois ans ; elle ne reçoit, suivant la coutume allemande, que des externes. t)n y entre sur un examen, on en sort avec un diplôme. Pour les résultats, ses preuves sont faites ; dans aucun autre pays, on n’en trouve l’équivalent : elle est pour notre industrie un honneur et une force. Voilà donc un type bien réussi ; serait-il possible d’en multiplier les exemplaires ? L’objection est la même que pour le Conservatoire. Le titre essentiel de l’École centrale est la réunion de professeurs éminens que leurs noms et leurs fonctions enchaînent à la résidence de Paris. Ils y attirent de tous les coins de la France et de l’Europe la fleur des élèves. À fonder ailleurs des écoles semblables, on rencontrerait le double inconvénient d’avoir des maîtres et des élèves d’un moindre degré. Il se peut même que le nombre de ces derniers ne fût en province nulle part suffisant pour fournir un auditoire aux chaires créées. On serait allé au-devant d’une hypothèse pour n’aboutir qu’à des essais coûteux. Si ailleurs ce besoin existe et là où il existe, pourquoi ne suivrait-on pas l’exemple de Paris ? On vient de voir jusqu’où va la puissance d’un homme bien inspiré. Le fondateur de l’École centrale peut trouver hors de Paris des imitateurs qui glaneront là où il a moissonné. Des écoles des arts et manufactures sur une échelle réduite ont quelque chance de réussir dans des localités bien choisies, à la condition qu’elles y naîtront naturellement, par l’effet d’une convenance démontrée. La spéculation privée est seule bon juge du temps, du lieu et des moyens. Comme elle s’y engage avec ses ressources, toute erreur lui serait un dommage, souvent une ruine : aussi n’a-gira-t-elle qu’à coup sûr, et sur un terrain bien étudié. Pour l’état, ce sera tout profit de s’en remettre à ces éclaireurs ; il s’épargnera des dépenses faites à l’aventure et laissera une porte ouverte à l’effort volontaire, que l’on chasse de position en position.

Dans l’enseignement supérieur, l’expectative est donc le parti le