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de projets en projets, se mettre en frais d’éloquence ; on aura toujours affaire à des hommes qui ne se paient pas de mots. Ils savent ce qui leur convient, ce qui convient à leurs ouvriers mieux que ceux qui veulent stipuler pour eux et sans eux. En fait d’arrangemens, ils n’accepteront que les mieux vérifiés, les plus compatibles avec leur position ; le reste se brisera contre la nature des choses.


III

Après avoir dégagé le concours de l’état des témérités où on l’implique et montré dans quelles bornes ce concours doit être renfermé, il reste à voir s’il n’y aurait rien à tenter par d’autres moyens et d’autres mains. Se refuser à toute nouveauté serait aussi peu sensé que d’accueillir toutes celles qui se présentent. Dès qu’il est constant qu’un enseignement simplifié, accessible aux petites bourses, est dans les vœux des sociétés modernes, c’est un devoir étroit de rechercher comment et par qui cet enseignement doit être donné. L’inconvénient, quand les gouvernemens s’en mêlent, est d’agir sur un trop grand pied, de procéder par improvisations, d’adopter des cadres trop vastes et trop rigides, d’astreindre à des règles communes ce qui aurait surtout besoin de variété et de liberté. Ceci reconnu, qu’y a-t-il donc à faire ? Changer résolument de méthode et aller droit aux moyens qui laisseraient plus d’aisance dans des cadres plus réduits. Trois modes d’action s’offrent dans ce cas, que l’on peut ou combiner ou séparer : l’action privée, l’action corporative, l’action communale. Mes préférences seraient pour le premier. On n’a pas la conscience parmi nous du parti que l’on pourrait tirer du génie individuel, si on lui enlevait ses lisières, de cette énergie latente qui se perd faute d’aliment. L’état, en voulant le devancer, en se substituant à lui, l’étouffe ou le paralyse. Nos organes ne s’animent plus que par le souffle officiel ; notre vie comme corps de nation est une vie d’emprunt, soutenue par un certain artifice ; nous ne respirons pas à pleins poumons, largement, régulièrement. Il serait temps d’y réfléchir et d’appliquer à ce malaise un traitement qui le soulage. Peut-être suffirait-il, pour cela, de se former une notion plus juste de la responsabilité, de vérifier comment elle agit et ce qu’elle produit. Là où un homme est en nom, elle est directe ; cet homme répond de ce qu’il fait, il y engage sa personne, ses facultés, son honneur ; il aura en propre le profit et la notoriété, s’il réussit ; il supportera le dommage et le discrédit, s’il échoue. On conçoit à quel point cette responsabilité nominative excite l’effort et affermit la volonté, quelles ressources ingénieuses elle suggère, ce qu’elle comporte de souplesse, de vigilance, à quel point elle sollicite