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certaine indépendance ; il est vrai que, pour la maintenir, il a fallu vaincre bien des susceptibilités et triompher de plus d’une petite chicane. Toutes les communes ne sont pas aussi heureuses ni aussi fortes que la commune de Paris. L’exemple n’en est pas moins acquis ; on voit comment peut se comporter la commune livrée à elle-même, on voit qu’en fait d’enseignement elle sait au besoin marcher sans lisières, trouver ses méthodes, ses auxiliaires, ses règles propres, et dans une instruction scientifique ménager une place aux lettres, qui ne gâtent jamais rien. Si, pour son enseignement français, l’Université se tient en garde contre la spéculation privée comme inhabile ou impuissante, qu’elle s’en remette alors à la commune, qui a fait ses preuves, et qui les fera d’autant mieux que sa liberté sera plus grande, sa responsabilité plus directement engagée.

Pour ajourner ce désistement de l’état, il serait inexact de dire que Paris n’est qu’une exception ; d’autres communes ont aussi leurs titres et dans un sens plus conforme à l’objet qu’on se propose, c’est-à-dire plus professionnel. C’est le cas de Mulhouse. Cette ville a une école qui, parallèlement aux autres études, entretient quelques travaux d’atelier. Les langues vivantes, les sciences appliquées y sont le fond de l’enseignement, et d’année en année il pénètre plus avant dans les diverses branches où le commerce et la manufacture sont intéressés. À Lille, une école du même genre recueille, au sortir des lycées, les jeunes gens qui se destinent aux services qu’embrasse l’industrie locale, construction de machines, filature et tissage, chimie industrielle et agricole, exploitation des mines. Le département et la ville se sont partagé les dépenses d’installation et d’entretien. Pour Lille comme pour Mulhouse, l’administration ajoute aux sacrifices des municipalités le concours de professeurs qu’elle détache et une subvention en argent. À Castres, on retrouve des combinaisons analogues, et dans beaucoup d’autres communes des cours annexés aux collèges en vue des mêmes besoins. Il est donc constant que, par la force des choses, un mouvement se produisait, et que, bien secondé, il eût suffi à des desseins raisonnables. Les corps constitués, les sociétés libres s’y prêtaient volontiers ; partout ils allaient au-devant des désirs les plus impatiens. À Amiens, à Rouen, des écoles de tissage se créaient ; Mulhouse, si bien pourvue, en préparait une qui est presque une superfétation ; à Lyon, les écoles de théorie se multipliaient pour la fabrication des tissus ; Nantes, Marseille, Bordeaux et Le Havre développaient leurs écoles de mousses. Tantôt c’étaient les chambres de commerce qui faisaient les frais de ces établissemens, les administraient, les surveillaient ; tantôt c’étaient des associations privées qui ne se montraient ni moins actives ni moins généreuses. Il y avait donc sur beaucoup de points un véritable élan, une sorte de concert d’intentions et de