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La royauté avait continué ces traditions de la noblesse suédoise ; le château royal de Stockholm, avant et après le grand incendie du 18 mai 1697, dut reproduire l’idée d’une monarchie qui venait d’usurper et qui affichait la toute-puissance. On convia pour l’embellissement de ce palais et d’autres résidences royales ou princières les principaux disciples et quelques-uns des maîtres de l’école française ; beaucoup de leurs travaux, achevés pendant la période qui précéda immédiatement le règne de Gustave III, subsistent aujourd’hui, de sorte qu’en visitant ces belles galeries construites au XVIIIe siècle, le voyageur français croit retrouver à cinq cents lieues de Paris quelque Versailles inconnu. Non-seulement la cour de Suède faisait de nombreuses commandes à Coysevox, Natoire, Chardin, Oudry, Boucher, mais des artistes distingués allaient s’établir à Stockholm, où les attiraient des offres avantageuses. On eut ainsi la famille des Chauveau, qui méritèrent une grande estime et obtinrent certains privilèges étendus plus tard à tous les étrangers résidens, les deux peintres Thomas et Hugues Taraval, et le sculpteur Philippe Bouchardon ; l’académie suédoise de dessin dut sa constitution définitive à ces deux derniers artistes. Philippe Bouchardon porta depuis 1741 le titre de « statuaire de la cour de Suède ; » après sa mort en 1753, son emploi fut offert au sculpteur Larchevêque. Celui-ci, après un contrat passé avec le ministre de Suède à Paris, alla s’établir pour vingt-deux années à Stockholm, où il devint directeur de l’académie de peinture et de sculpture. Cette capitale lui doit, sans compter ses travaux dans le château royal, plusieurs des statues qui la décorent aujourd’hui : le Gustave Vasa, sur la Place des Nobles, fondu en 1770, œuvre un peu lourde, mais grave et imposante (Mme de Staël l’appelait le Jupiter Olympien de la Suède) et la belle statue équestre de Gustave-Adolphe, sur la grande place qui fait face au pont principal et au château.

Un développement économique et industriel avait accompagné le mouvement de la littérature et de l’art, car l’effervescence générale du XVIIIe siècle, ayant gagné la Suède, s’y manifestait dans toutes les directions, et c’était encore à la France qu’on venait demander, en vue de cet autre essor, des exemples et des encouragemens. Déjà, pendant les premières années du siècle, l’illustre ingénieur Polhem[1], après avoir étonné à Versailles Louis XIV et Perrault par d’habiles travaux de mécanique, avait mis la première main à l’œuvre de canalisation qui réunit aujourd’hui de Gothenbourg à Stockholm les eaux de la Baltique et celles de la Mer du Nord. Un autre grand citoyen fut Jonas Alströmer. Sa carrière industrielle

  1. Mort en 1751, à quatre-vingt-dix ans.