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bras nus, un chapeau coquettement posé sur le devant de la tête, une robe d’indienne claire serrée autour de la taille, vont laver leur linge ou chercher de l’eau dans des cruches à un limpide ruisseau qui descend derrière le village par un escalier de roches. Des cottages, les uns tournés du côté de la baie, les autres groupés sur la hauteur comme un troupeau de chèvres, sont entourés de perrons formés avec des pierres brutes et tapissés de vignes dont les grappes promettent de mûrir ; ils ont généralement un air de propreté joyeuse. Le nom de Mousehole (trou de souris) a été le sujet de bien des commentaires[1]. Près du village s’ouvre dans les falaises une caverne dont l’entrée en forme d’arche est assez élevée, mais dont la voûte s’abaisse bientôt et se resserre en un étroit passage, conduisant à une galerie creusée autrefois par des mineurs. Est-ce cette caverne qui a donné son nom au village ? Quoi qu’il en soit, Newlyn et Mousehole appartiennent à Mount’s-Bay, un des principaux théâtres de la pêche du pilchard.

Qu’est-ce maintenant que le pilchard ? Ce poisson (clupea pilchardus) appartient bien à la famille des harengs ; mais il s’en détache par quelques caractères extérieurs : il a la tête plus courte, le corps plus trapu, la nageoire dorsale placée plus en avant, vers le centre de gravité ; mais il est surtout recouvert de plus longues écailles que le hareng ordinaire. On l’a surnommé, à cause de ses mœurs errantes, le vagabond ou le gipsy des mers. L’époque de son arrivée et celle de son départ varient souvent avec les années. D’où vient-il ? où va-t-il ? L’opinion la plus générale est que ces poissons passent la plus grande partie de l’année sur les rivages de quelque région du nord. Un naturaliste de la Cornouaille, M. Couch, qui a beaucoup étudié cette question, croit au contraire que les pilchards se retirent durant l’hiver dans les eaux profondes, à l’ouest des îles Scilly. Vers le milieu du printemps, ils éprouvent le besoin de voyager et de changer d’horizon. Ils s’élèvent alors du fond des abîmes de l’Océan, et l’instinct de l’association les rassemble en petites bandes. À mesure que la saison avance, ces bandes se réunissent des troupes plus nombreuses, et vers la fin de juillet ou le commencement d’août les pilchards forment une grande armée, qui, sous la conduite d’un chef, commence ce mouvement extraordinaire de migration, donnant lieu chaque année à la plus belle pêche de la Cornouaille. Poursuivis par des oiseaux de proie, qui décrivent dans le ciel des cercles menaçans, et par de gros poissons voraces, ils s’avancent en colonnes serrées. Cette multitude flottante

  1. Cet endroit s’appelait autrefois Porthenis ou Port-Enys. Enys, dans le langage primitif de la Cornouaille, veut dire une île. C’était sans doute une allusion à l’Ilot de Saint-Clément, qui se dresse, on l’a vu, à quelque distance du port.