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l’eau et l’huile qui s’échappent chaque jour du tas de poissons se jettent ainsi dans une rigole et sont conduites à l’orifice d’une fossé, pit, où elles s’engloutissent[1]. Quand on juge le procédé de la salaison ; salting, suffisamment avancé, on retire le pilcherd de la masse construite avec tant d’art, et après l’avoir lavé et nettoyé, on le range dans des barils appelés hopsheads. Chacun de ces barils doit contenir deux mille quatre cents poissons. Pour réduire le volume de ces poissons et pour extraire l’huile, on presse encore durant une semaine les pilchards ainsi, empaquetés dans les tonneaux. Cette dernière opération a lieu au moyen d’un couvercle sur lequel pèse une longue poutre équilibrée aux deux extrémités par deux grosses boules de granit, représentant chacune un poids d’environ quatre cents livres. Ceci fait, le pilchard est prêt pour le marché. Très peu de ce poisson salé se consomme en Angleterre ; il est expédié à Naples, où il fait les délices des lazzaroni, et sur d’autres ports de la Méditerranée ! Il est à remarquer que ce sont surtout les nations protestantes du nord qui fournissent aux nations catholiques, du midi le moyen d’observer l’abstinence du carême, en leur envoyant le produit de leur pêche. Le rebut du pilchard, qui n’a pu entrer consciencieusement dans les barils y est vendu pour fumer certaines terres de la Cornouaille : c’est un engrais très recherché. Le sel destiné à conserver ce poisson vient généralement de Liverpool. Il arrive, à Newlyn et à Mousehole dans de petites charrettes peintes en rouge, tirées par un vieux cheval et construites d’une manière toute primitive. Les femmes le déchargent dans leur cagoule d’osier, et durant toute la saison du pilchard on ne voit que sel et poisson dans le village.

Autrefois, c’est-à-dire il y a soixante ou quatre-vingts ans, le pilchard restait jusqu’à Noël sur les côtes de la Cornouaille ; mais ce poisson est capricieux : aujourd’hui la pêche commence vers le mois de juillet et se termine avant la fin de novembre. Tant sur terre que sur mer, cette pêche donne de l’ouvrage dans Mount’s-Bay à cinq ou six mille personnes, hommes, femmes et enfans. Les bénéfices sont quelquefois assez considérables, le mode de rétribution varie beaucoup ; selon les arrangemens et les conventions particulières ; mais le plus souvent il est fondé sur l’association du capital et du travail. Parmi les associés, les uns fournissent le bateau, d’autres contribuent à rachat des filets, d’autres enfin n’apportent que leurs bras. L’argent du poisson vendu sur le marché est divisé entre tous les intéressés ; selon la valeur qu’on assigne à la part de

  1. Cette huile grossière, est ensuite employée dans les fabriques, où elle sert à graisser les machines ; clarifiée et purifiée, elle est même quelquefois vendue à Bristol comme de l’huile de lin. Ce dernier fait m’a été assuré par un pêcheur de Newlyn.