Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bien à dire de celui qui nous a fait en Crète, à mon compagnon et à moi, un excellent et presque fastueux accueil ; mais, puisqu’il me faut parler d’événemens que je ne pourrais passer tout à fait sous silence, je ne saurais dissimuler que Véli, sans avoir commis tous les crimes dont la presse d’Athènes le prétend coupable, me semble avoir été puni assez justement par où il avait péché. Il s’est perdu pour avoir trop ambitionné les applaudissemens et les éloges de Paris ; receperat mercedem suam, vanus vanam.

Ce soulèvement de l’île de Crète, dont nous nous contenterons d’indiquer ici les principaux épisodes, débuta, au mois de mai 1858, par la démarche de deux cents Grecs qui se réunirent en armes à Perivolia, tout près de La Canée. De là, sans commettre aucun acte d’hostilité ni de déprédation, ils envoyèrent aux consuls une protestation contre toutes les mesures du gouverneur-général, en les priant de la faire parvenir à Constantinople. Véli-Pacha menaça, le rassemblement grossit et compta bientôt de sept à huit mille hommes. Le commandant des quelques troupes dont disposait le gouverneur refusa d’attaquer des gens qui se déclaraient les fidèles sujets du sultan, et assuraient n’en vouloir qu’au pacha. Les Turcs s’étaient d’abord associés, de cœur tout au moins et d’intention, à la résistance des Grecs ; mais bientôt cette concentration de forces les inquiéta : excités d’ailleurs par Véli, qui, pour venger son orgueil blessé, cherchait à pousser les choses à l’extrême, ils quittèrent leurs villages, ils affluèrent avec leurs femmes et leurs enfants, avec une partie de leur bétail, dans les villes fermées. Là, cette foule oisive et désheurée, que ce déplacement irritait en l’appauvrissant, faillit plusieurs fois se porter contre les chrétiens à des excès qui auraient aussitôt allumé dans toute l’île une violente insurrection. Plusieurs fois les chrétiens se crurent, non pas à la veille, mais à l’heure même d’un massacre général : de nombreuses familles grecques se réfugiaient chaque jour à Syra ; d’autres, quand les Turcs devenaient plus menaçans, qu’ils poussaient par les rues des cris de mort et qu’ils déchargeaient leurs armes, se précipitaient vers les consulats, qui tous, hors le consulat d’Angleterre, s’ouvraient devant eux. À La Canée, la loyale et ferme attitude de M. Derché, alors gérant du consulat de France, ne contribua pas peu à tenir les Turcs en respect ; à Megalo-Kastro, notre agent consulaire, un vieillard, M. Itard, rendit des services analogues. On apprit, le 21 juin, la destitution de Véli-Pacha. La commission envoyée par le divan, au premier bruit des troubles de Crète, pour examiner l’affaire, avait conféré avec les chefs des insurgés, et son président, l’amiral Achmet-Pacha, s’était prononcé contre le gouverneur-général ; mais Sami-Pacha, le nouveau vali de Crète, se