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elle veut aujourd’hui poursuivre, non plus seulement la diminution des droits, mais l’abolition complète et absolue de la douane. En se constituant en 1856, elle avait pris le nom d’Association pour la réforme douanière, et avait inscrit sur son drapeau : Transformation des tarifs protecteurs en tarifs fiscaux. Fidèle à son programme, elle n’avait combattu la douane que comme instrument de protection industrielle, mais elle l’acceptait comme une source de revenus pour le trésor. Dans cette campagne, elle avait eu le fisc avec elle, et sans nul doute un tel auxiliaire avait contribué à son triomphe. Aujourd’hui c’est cet auxiliaire lui-même qu’elle attaque, et pour qu’il n’y ait aucun doute sur le but qu’elle poursuit, elle a changé son nom primitif en celui d’Association internationale pour la suppression des douanes ; en même temps elle a chargé son bureau de travailler par tous les moyens légaux à l’abolition des droits de douane et d’accise, non-seulement en Belgique, mais dans tous les pays.

Cette question, c’est la chambre de commerce d’Anvers qui l’a posée la première en 1861, sur la proposition d’un de ses membres, M. A. Joffroy, et qui, après six séances d’une discussion très animée, s’est la première prononcée dans le sens d’une liberté absolue. Le vœu émis par elle, adopté par 12 voix contre 9, est ainsi conçu :

« La chambre de commerce émet le vœu que les lignes douanières qui existent en Belgique puissent être complètement supprimées, tout en réservant les droits d’accise ;

« Charge son. bureau de transmettre ce vœu au gouvernement, de lui donner la plus grande publicité possible et de ne négliger aucune occasion, dans les lettres, rapports et autres pièces émanant de la chambre, d’indiquer nettement son intention à cet égard[1]. »

Il n’y a pas lieu d’être étonné de l’initiative prise par les négocians d’Anvers. Autrefois port libre, cette ville comptait au XVIe siècle cent cinquante mille habitans et jouissait d’une prospérité remarquable. À la suite du traité de Westphalie, qui ferma l’Escaut, la population diminua peu à peu et ne compta bientôt plus que trente-sept mille habitans. À partir de 1815, le commerce reprit une marche ascendante, qui s’est sensiblement ralentie dans ces dernières années. Le commerce de transit surtout, autrefois très considérable, abandonne Anvers pour les ports rivaux de Brème, Hambourg et Rotterdam. C’est aux droits de douane et à l’exagération des frais maritimes qu’on attribue ce fâcheux résultat, car la douane, par les formalités qu’elle exige, décourage des négocians, éloigne les étrangers, chasse le commerce de transit et accroît sensiblement les frais généraux : De tout temps, les ports francs ont été beaucoup plus prospères que les autres, et si Anvers ne veut abdiquer, il faut qu’il obtienne les mêmes avantages que Hambourg, dont le sénat vient de voter l’abolition des droits de douane.

  1. Séance du 6 moi 1861.