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Un vœu est déjà quelque chose, mais, quand on s’en tient là ; on est parfois exposé à en attendre assez longtemps la réalisation. Aussi la chambre de commerce d’Anvers pensa-t-elle que le meilleur moyen de le faire aboutir à un résultat pratique était un appel à l’opinion publique : elle commença par soumettre la question aux autres chambres de commerce de Belgique, qui pour la plupart suivirent son exemple. Celles de Bruxelles, de Liège, d’Alost, de Courtrai, de Termonde, d’Ypres, de Dixmude, formulèrent des vœux analogues à ceux de la chambre d’Anvers, et entrèrent résolument dans la voie libérale qu’elle avait ouverte. Ce n’est pas tout : sur la demande de M. Joffroy, le promoteur de ce mouvement, cette question fut inscrite sur le programme de l’Association internationale pour l’avancement des sciences sociales, et discutée en séance publique au congrès de Bruxelles en 1862 et à celui de Gand en 1863[1].

Il n’est pas sans intérêt de reproduire ici, les principaux argumens qui ont été développés en cette circonstance. Tous les orateurs, sans reprendre pour cela la thèse désormais épuisée de la liberté commerciale, ont fait remarquer avec raison que, si modérés que soient les droits, ils n’en agissent pas moins comme s’ils étaient protecteurs, et n’en tendent pas moins à hausser d’une manière factice le prix des produits : ils font donc dévier de son cours naturel l’industrie nationale, entravent les transactions et portent une atteinte réelle à la richesse publique. Envisagés comme impôts, ces droits ne valent pas mieux, car ils ont tous les inconvéniens des impôts indirects. Comme eux, ils sont mal assis, contraires au principe de la proportionnalité, et bien loin d’être volontaires, comme on se plaît à le répéter si souvent, ils sont de ceux qui se paient, suivant l’expression de Droz, non-seulement en argent, mais en pertes de temps et en vexations. Dire qu’on les paie sans s’en apercevoir, cela n’est pas sérieux : il n’y en a pas au contraire dont on s’aperçoive davantage, puisqu’on ne peut passer la frontière ou déplacer une bouteille de vin sans rencontrer la main du fisc et même sans la sentir sur sa personne. Ils sont plus nuisibles encore par les transactions qu’ils empêchent que par les sommes cependant très considérables qu’ils prélèvent.

Les taxes indirectes nécessitent des frais de perception considérables et sont par conséquent très onéreuses pour le public, puisqu’elles lui enlèvent

  1. L’Association internationale pour l’avancement des sciences sociales est en quelque sorte issue du mouvement belge : elle a été fondée par l’initiative de M. Corr van der Maeren, dans la pensée de vulgariser partout l’étude des sciences sociales et de comparer entre elles les institutions des divers peuples. Chaque année, elle réunit en congrès les hommes de tous les pays qui en font partie, et provoque la discussion dès diverses questions qui préoccupent l’opinion. Elle se compose de cinq sections : la législation comparée, l’instruction et l’éducation, l’hygiène et la bienfaisance, les beaux-arts et la littérature, l’économie politique. Deux congrès ont déjà eu lieu, l’un à Bruxelles, l’autre à Gand ; le prochain doit se tenir à Amsterdam, puis viendra le tour de Turin, de Genève, etc.