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plus qu’elles ne rapportent en réalité au trésor. En France, les frais de perception pour les douanes et contributions indirectes réunies (non compris les tabacs et les poudres) s’élèvent à 64,800,000 francs pour un produit brut de 489,900,000 francs ou à 13 pour 100 ; en Belgique, la proportion atteint 15 pour 100, parce que les frontières y sont plus développées proportionnellement à l’étendue du pays. En Italie, elle atteindrait 42 pour 100, si l’on en croit une récente brochure de M. Semenza. En présence de ces divers inconvéniens, on doit se demander si, sans procéder à une refonte complète du système d’impôts, il ne serait pas possible de remédier à une partie d’entre eux. En y réfléchissant un peu, il semble que cette tâche ne soit pas aussi difficile qu’elle paraît d’abord. Tous les économistes ont reconnu en effet que l’impôt ne pèse pas toujours sur celui qui en acquitte le montant entre les mains du fisc, et que c’est même, en matière de contributions indirectes, le contraire qui se passe le plus souvent. Lorsqu’on frappe le vin, par exemple, de droits de circulation et de débit, ce n’est pas le marchand qui les paie en réalité, c’est le consommateur, auquel il fait rembourser ses avances. Le même effet se produit avec les patentes, et dans certains cas même avec l’impôt foncier. Cette incidence est si réelle que J.-B. Say est allé jusqu’à dire que l’impôt, étant un fardeau dont tout le monde cherche à se débarrasser, retombe en définitive, quoi qu’on fasse, sur le consommateur, qui seul ne peut le repasser à personne. Il en arrive à conclure qu’à quelque moment qu’on frappe un-produit, que ce soit quand on le fabrique, ou quand on le fait circuler, ou quand on le vend, le résultat est en définitive toujours le même[1].

S’il en est ainsi, il est évident que rien ne justifie la conservation du mode actuel de perception des contributions indirectes, et que, tout en en faisant supporter le poids aux mêmes individus, on pourrait les transformer en contributions directes, et économiser ainsi des frais considérables d’administration. Voulez-vous frapper le vin ? Au lieu de l’exercice et du droit de circulation, augmentez l’impôt foncier des vignes et les patentes des débitons, qui sauront bien se rattraper sur leurs cliens. Voulez-vous imposer certains produits étrangers ? Au lieu de percevoir à la frontière les droits de douane dont il s’agit de les grever, faites-en payer le montant aux marchands qui les revendent, en les taxant suivant l’importance de leur commerce. C’est toujours le consommateur qui en fin de compte sera atteint, car, il ne faut pas s’y tromper, ce ne sont pas les producteurs du dehors, mais bien les consommateurs du dedans qui paient les droits de douane, comme tous les autres. C’est à un expédient de ce genre que M. Verckhen, secrétaire de la chambre de commerce d’Anvers, propose d’avoir recours en Belgique. Dans une brochure qui a été distribuée à l’occasion du congrès de Gand[2], il constate avec raison qu’on ne peut toucher

  1. Voyez à ce sujet les Études de M. de Parieu sur le système des impôts.
  2. Des Moyens pratiques de supprimer la douane, par M. Léon Verckhen, secrétaire de la chambre de commerce d’Anvers.