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Ferdinand mourut, et François II fut forcé de donner une constitution. La guerre sociale éclata aussitôt sur plusieurs points de son royaume. A Bovino par exemple, un mouvement populaire eut lieu contre les riches : il y eut déjà du pillage et du sang versé. Garibaldi, qui avait enlevé la Sicile en trois victoires, passa sur le continent; aussitôt le magnifique échafaudage soutenu par le roi mort s’écroula, le clergé même adora la lumière nouvelle. Ce fut dans tout l’ancien royaume une explosion de joie; le peuple, qui voyait en Garibaldi l’homme de son rêve, le pauvre devenu roi, se jeta tout entier sur les pas du vainqueur et lui fit une apothéose éclatante. La victoire sociale était obtenue aux yeux des lazzaroni et des paysans : on donna aux premiers du pain, des illuminations et le droit de vivre à leur aise; on ne supprima la loterie qu’en paroles et on abaissa le prix du sel ; on promit aux seconds le partage des biens communaux, et on leur dit : Plus de misère !

Le peuple, habitué à ne voir dans les révolutions que des complots de bourgeois réclamant des libertés politiques dont pour sa part il n’avait que faire, crut que son heure était enfin venue, et que cette fois du moins on s’était soulevé pour lui. Il fut donc franchement garibaldien, il l’est encore. L’avènement du pouvoir régulier trompa toutes ses espérances. Il assista tristement, à l’écart, sans toucher sa part du butin, à l’installation de toute sorte de choses étrangères qu’il ne pouvait comprendre et qui ne le regardaient pas. Il avait attendu je ne sais quelle réparation sociale, et il voyait venir un remaniement politique. Au lieu de Garibaldi et des tuniques rouges, on lui donnait une armée grise et un roi absent; au lieu de pain assuré pour tous les jours, d’un coin de terre au soleil, et, pour égayer ses loisirs, d’une procession ou deux par semaine avec des torches et des drapeaux, on lui donnait un parlement à Turin, des ordonnances contre les attroupemens, le suffrage restreint, le jury pour les causes criminelles et mille autres bienfaits dont il ne se souciait nullement; on lui donnait de plus la liberté de la presse, et il ne savait pas lire! Il se dit avec amertume : Encore une révolution de bourgeois! et il retomba dans cette apathie, frondeuse chez les citadins, stupide chez les campagnards, qui en temps ordinaire est son attitude politique.

Une révolution de bourgeois! Ce fut le principal grief des plébéiens contre le mouvement de 1860, qui continuait pour eux le mouvement de 1848. Un seul fait les frappa, l’installation d’un certain nombre d’habits à basques (des giamberghe, comme les appelait Ferdinand) s’étalant sur les sièges du pouvoir. C’était une opinion très accréditée dans la rue que ces révolutions n’étaient que simples débats entre la bourgeoisie et le souverain, si accréditée