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furent sauvées, et les actes ordinaires des prétendus bourboniens se réduisirent à des enlèvemens de personnes emmenées dans les bois et rendues contre rançons : ce n’étaient plus que des spéculations violentes, des coups de main de hardis voleurs. Aux frontières, le brigandage politique ou étranger a cessé presque complètement, grâce au concours loyal de l’armée française. On n’a entendu parler que de deux expéditions, qui se sont terminées par une double déroute, celle des chefs Stramenga et Serragante. Dans l’intérieur du royaume, le brigandage indigène diminue sensiblement, et l’armée italienne, après trois ans de campagne, peut aujourd’hui être rappelée dans le nord.

Nous avons parcouru le champ de bataille ; ne voudra-t-on pas maintenant jeter un regard sur les combattans? Le lecteur sait déjà que les bandits appartiennent tous aux classes incultes et pauvres, parce que l’ignorance et la misère sont les principales causes du mal. Les rancunes qui poussent au mal varient suivant les provinces. Ainsi, dans les Calabres, les manans s’insurgent à peu près comme les anciens plébéiens de Rome, réclamant l’exécution des lois agraires promulguées contre les envahissemens du patriciat. Ailleurs, dans les Pouilles, le berger et le laboureur ne gagnent pas de quoi vivre; c’est la faim qui leur donne de mauvais conseils. Plus haut, dans les Abruzzes, ceux qui se soulèvent sont surtout les contrebandiers ruinés par la suppression des frontières entre Ascoli et Teramo. En réalité, le brigand indigène ne porte un drapeau que pour se donner une contenance ; il s’enrôle quelquefois par dévotion, plus souvent par force. Emmené violemment sur la montagne et compromis par quelques expéditions criminelles, il reste alors avec les autres, craignant d’être fusillé, s’il retourne dans son pays; mais au bout d’un mois ou deux, horriblement dépravés par l’exemple, les meilleurs ne sont plus que des gens de sac et de corde qui disent à leurs prisonniers avec un cynisme révoltant : Vulimmo sangue e denaro (nous voulons du sang et de l’argent). Quand ils se battent, ils n’en veulent pas même aux soldats, qu’ils évitent; ils ne tuent que des paysans. Jamais on ne les voit suivre un plan ; ils vont au hasard, chacun pour soi, ne cherchant qu’à inspirer la terreur, et se faisant par là d’innombrables complices. Leur police est cependant admirable. « Quand nous nous mettons en marche contre eux, me disait un officier italien, ils en sont avertis par le vent qui passe; ils ont disparu avant que nous soyons à cheval. Nous avisons un paysan dans la campagne; nous lui demandons : « Où sont les brigands? » L’homme hausse les épaules, lève les yeux au ciel et avance la lèvre inférieure avec une indéfinissable expression de niaiserie : Non saccio (je ne sais pas). Nous passons outre. Surviennent les brigands, qui, avisant le même paysan, lui demandent où