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commet d’erreur qu’aux deux extrémités de cet angle, quelle qu’en soit la grandeur, en sorte que, s’il était possible de l’ajouter un grand nombre de fois à lui-même, la mesure de l’angle total ne serait ni plus ni moins exacte que celle de l’angle simple : on l’obtiendrait par exemple à 9 secondes près; mais, comme pour avoir l’angle simple, il faudrait diviser l’angle total par le nombre de fois qu’il a été répété, l’erreur serait divisée dans la même proportion, et ne serait plus que de 0,9 seconde, si l’angle a été répété dix fois. Cette méthode fut acceptée comme bonne pendant longtemps, et les ingénieurs géographes l’appliquèrent avec persévérance, malgré la monotonie fastidieuse des opérations qu’elle leur imposait[1]. On s’aperçut au bout de quelques années que la précision des mesures n’augmentait pas en proportion du temps que l’on y consacrait. Les erreurs que l’on commet sont les unes accidentelles, c’est-à-dire qu’elles influent tantôt en plus, tantôt en moins sur le résultat, et celles-là, la répétition les fait décroître indéfiniment; mais il y a d’autres erreurs, que l’on nomme systématiques, qui influent toujours en plus ou toujours en moins, et la répétition n’a pas le pouvoir de les corriger. Ces erreurs systématiques tiennent soit à l’instrument, soit à l’observateur lui-même. Par exemple, tel observateur, par aberration ou par mauvaise habitude de l’organe visuel, visera toujours un peu à gauche du signal réel.

Le désir d’échapper à ces erreurs systématiques a fait abandonner la méthode de répétition des angles dans la géodésie. On y a substitué la méthode de réitération, qui consiste simplement à recommencer dix fois ou cent fois, suivant la précision exigée, la mesure du même angle, en changeant un peu chaque fois la position du cercle divisé pour éviter l’influence des mêmes causes d’erreur. Ces procédés de répétition et de réitération, au moyen desquels l’ingénieur géographe corrige les erreurs qu’il commet, ne sont au fond que l’application rationnelle des principes dont chacun de nous se sert pour contrôler son propre travail. Toute œuvre matérielle que l’homme, servi par des organes imparfaits, veut entreprendre est entachée d’erreurs régulières ou accidentelles. Éliminer les unes en réitérant ou répétant les opérations, annuler les autres par l’emploi de méthodes ou d’instrumens convenables, ce sont des procédés pour ainsi dire instinctifs, que nous appliquons souvent sans en avoir conscience et sans nous en rendre compte. Les astronomes ont systématisé les principes d’observation. Ne pouvant s’affranchir de l’influence exercée par l’aberration des sens et par les vices des

  1. Certains angles de la grande triangulation française ont été répétés des milliers de fois.