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instrumens, ils ont étudié les lois qui régissent ces erreurs inévitables. C’est ainsi que l’astronomie et les sciences qui en dérivent sont arrivées à la plus exquise perfection.

Du reste, il est admis maintenant que la précision des mesures dépend surtout de l’étude approfondie que l’ingénieur géographe a faite de son appareil, et de la scrupuleuse sincérité qu’il apporte dans ses observations individuelles. L’œil, armé d’une lunette, est en réalité le plus parfait des sens; c’est un organe d’une subtilité merveilleuse qui dépasse peut-être en délicatesse la limite de nos besoins. Les mouvemens les plus faibles ne peuvent lui échapper. En veut-on des preuves? Il a été possible de mesurer par expérience la quantité dont un canon suspendu par ses deux bouts fléchit en son milieu. Il n’y a plus moyen de trouver l’immobilité dans la nature. L’astronome Bouguer, voulant un jour prendre pour repère une des lignes verticales du dôme du Val-de-Grâce, reconnut avec étonnement que ce dôme tourne, comme l’héliotrope, avec le soleil; il se déplace infiniment peu, il est vrai, mais cette rotation infinitésimale est appréciable. Que serait-ce de nos jours dans Paris avec la circulation croissante de nos lourds véhicules? On peut affirmer qu’il n’est pas au centre de la capitale un monument assez solide pour échapper aux agitations continuelles de la voie publique, assez ferme pour donner un point d’appui immuable aux appareils géodésiques. Aussi les hommes initiés à la délicatesse des opérations trigonométriques s’étonnèrent-ils quand, il y a quelques années, furent élevés en divers points de Paris de hauts échafaudages en charpente du sommet desquels on devait lever le plan de la ville. Il était aisé de prévoir que les trépidations du sol rendraient les mesures imparfaites.

Dans les campagnes, il est moins difficile d’organiser un observatoire où l’on puisse asseoir solidement le théodolite et faire des observations dignes de confiance. En général, les points que l’ingénieur choisit comme sommets de triangle sont situés au faîte d’une montagne, à une grande élévation, afin que la vue puisse porter au loin. L’installation se borne alors à consolider le sol, qui se trouve parfois trop mobile, et à dresser une espèce de cabane en charpente de 7 à 8 mètres de haut, qui sert à la fois d’abri à l’ingénieur et de signal pour reconnaître au loin cette station. Ces observatoires sont les meilleurs, parce que rien n’ébranle l’instrument; mais dans les pays très accidentés c’est souvent un séjour pénible, dangereux même pour l’opérateur que le sentiment du devoir et l’amour de la science y retiennent pendant plusieurs semaines. Qu’on se figure l’existence de ces officiers qui, dans les Alpes notamment, passaient quelques mois sous la tente à 2,500 et même à 3,000 mètres de