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L’Espagne, dont le sol montagneux présentait bien des difficultés, n’en est encore qu’à la géodésie. La Hollande a presque terminé sa carte, où les nivellemens sont l’objet d’un soin tout particulier, en raison de la nature presque plate du territoire, qui l’expose à de grandes inondations. Il faut encore citer la Suède, dont le réseau géodésique présente cette particularité intéressante, que l’une des bases fut mesurée en hiver sur la surface glacée d’un lac. En Italie, les anciens états sardes sont entièrement levés à l’échelle du 50,000e. La Lombardie et les provinces centrales l’ont été par le gouvernement autrichien au 86,400e. e royaume de Naples était resté seul en dehors de ces travaux; mais les études topographiques viennent d’être reprises par le gouvernement du roi Victor-Emmanuel sur toute l’étendue de la péninsule. La Belgique, qui s’était longtemps contentée de cartes particulières, vient aussi d’entreprendre sa carte officielle. En résumé, les deux tiers de l’Europe sont déjà représentés sur le papier, et dans quelques années la topographie aura terminé son œuvre sur ce continent. Dès à présent, la triangulation des états de l’Europe forme un canevas continu qui s’étend en hauteur, du nord au sud, sur 35 degrés de latitude, et en largeur, de l’est à l’ouest, sur 70 degrés de longitude. Ce n’est guère pourtant que la cinquantième partie de la surface totale du globe.

La topographie est, on le voit, presque exclusivement l’œuvre des gouvernemens, sauf un petit nombre de cas exceptionnels où les sociétés savantes ont pris une part directe dans ses travaux. La raison principale en est sans doute dans la dépense considérable qu’occasionnent la géodésie et le lever du terrain. On ne peut évaluer le prix de revient d’une bonne carte topographique à moins de 20 ou 30 francs par kilomètre carré, la dépense étant plus ou moins grande suivant la nature du sol. Les cartes détaillées sont d’ailleurs d’une utilité incontestable dans les pays civilisés pour les questions de propriété et de travaux publics; aussi aucune nation ne saurait-elle s’en passer. En dehors de ces œuvres officielles qui s’exécutent aujourd’hui chez toutes les nations européennes et dans leurs colonies, on n’a plus pour guides et pour renseignemens que les itinéraires des voyageurs, documens consciencieux sans doute, mais souvent imparfaits. Les hommes qui consacrent leurs loisirs et leur fortune à des voyages lointains ne possèdent pas toujours les connaissances indispensables à qui veut faire de bonnes observations astronomiques, ou ils n’ont pas entre les mains les instrumens nécessaires. Les trois quarts du monde habitable ne nous sont connus que par les récits des voyageurs. De là proviennent tant d’erreurs grossières qui se sont conservées sur les cartes géographiques. On