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Ces résultats méritent, à plus d’un égard, de fixer l’attention. Ils montrent que l’agriculture de la Néerlande, si peu connue de l’étranger, la classe dès aujourd’hui parmi les nations les plus avancées sous ce rapport, car le produit brut s’élève à 150 francs par hectare de la superficie totale, tandis que dans les îles britanniques il ne va qu’à 135 francs, et en France à 100 francs. Les Pays-Bas ne le céderaient donc qu’à l’Angleterre proprement dite, prise indépendamment de l’Ecosse et de l’Irlande, à la Belgique et à la Lombardie. Si l’on ne considérait que la superficie productive, déduction faite des terrains vagues, on arriverait au magnifique résultat de 240 francs par hectare. Ce sont les belles prairies de la Hollande et de la Frise, les riches terres d’alluvion de la Zélande et de la Groningue, qui compensent la stérilité naturelle de la région sablonneuse et qui contribuent principalement à élever la moyenne aussi haut. Il est encore un fait qui vient confirmer les données précédentes, et qui étonnera ceux qui sont habitués à considérer la Néerlande comme un pays qui tire sa principale richesse du commerce : c’est que nul autre état en Europe n’exporte relativement une égale quantité de produits agricoles. Le chiffre de ces exportations s’est élevé en 1860 à plus de 100 millions de francs. Dans ce total, le fromage entrait pour 18 millions, le beurre pour 21, la garance pour 13, le lin pour 13, l’avoine pour 5, et le bétail pour 21 millions.

L’accroissement de la population est encore un indice qui permet de mesurer les progrès de l’agriculture, principalement quand l’importation des denrées alimentaires a diminué sans que la condition des classes inférieures ait empiré. Or les Pays-Bas présentent sous ce rapport des faits extrêmement remarquables : il y a telles provinces qui ont été pour ainsi dire créées par le travail agricole, la Groningue et l’Over-Yssel par exemple. Il ne faut pas oublier que tout le poids des formidables luttes contre l’Espagne d’abord, puis contre l’Angleterre et la France, a été supporté presque en totalité par trois provinces, la Hollande, la Zélande et la Frise. Dans les dépenses de la fédération, sur 100 florins, la Hollande seule en payait 58, et la Gueldre, la Groningue, l’Over-Yssel ensemble, à peine 18, c’est-à-dire moins du tiers. Ces quatre provinces formaient en grande partie de vastes déserts, des landes à moitié recouvertes de tourbières, de marais et de dunes de sables mouvans. On rencontrait de distance en distance, au milieu de la marke, une oasis, un village qui se suffisait à lui-même, mais qui n’avait rien à exporter, et qui manquait par conséquent de capital disponible et de numéraire. Même vers la fin du siècle dernier, la province de Groningue ne comptait que 110,000 habitans, et celle d’Over--