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tation des rues durait, toujours. Cela ne lui déplaisait point ; il espérait que ces désordres feraient sentir le besoin de lui donner le pouvoir de les réprimer. Une telle conduite, sans lui concilier la multitude, exaspérait tout ce qu’il y avait d’honnête dans le sénat : Bibulus, le vieux Curion et d’autres, que soutenait secrètement la jalousie de Crassus, se plaignirent hautement dans la curie des manœuvres de Pompée. Pompée était absent. Huit jours après, il assista à une séance dans le temple d’Apollon. Là le tribun C. Cato lui adressa les plus vifs reproches, auxquels Pompée répondit très aigrement. Un autre jour, il était bafoué dans le Forum par Clodius et hué par sa bande. Ce calcul peu noble de Pompée devait échouer comme tous ses autres calculs ; mais, s’il désirait le trouble pour en profiter, il était servi à souhait par deux hommes, Milon et Clodius, qui aspiraient, le premier à la préture, le second au consulat, et qui soutenaient leurs prétentions aux plus hautes magistratures de l’état par la violence.

C’est alors qu’eut lieu entre ces deux hommes la rencontre où Clodius fut tué. Voici comment fut amené cet événement, que le plaidoyer de Cicéron en faveur de Milon a rendu célèbre. Milon était, comme Clodius, de race sabellique ; fils d’un Samnite, il avait été adopté par un Annius, son aïeul maternel. La gens Annia était plébéienne, et, elle aussi, sabellique, originaire de Setia, ville du pays des Volsques. C’était le plébéien Milon qui soutenait la cause de l’aristocratie et le descendant des Claudii qui l’attaquait. Du reste, les moyens employés par tous deux étaient les mêmes : l’un comme l’autre avait à ses ordres une troupe de gladiateurs ; seulement, il faut le reconnaître, Milon faisait de la sienne un meilleur emploi, et c’est pour se défendre contre Clodius qu’il avait pris le parti de l’imiter.

Clodius briguait l’édilité pour échapper aux poursuites que lui attiraient ses violences. Milon, afin de l’empêcher d’être nommé, voulait qu’il fut jugé avant l’assemblée des comices. Le jour de l’élection venu, Milon se rendit à minuit dans le Champ-de-Mars avec sa bande et y resta le lendemain jusqu’à midi. Clodius ne parut point. Le consul Metellus, qui s’entendait avec lui, se retira en annonçant que, s’il y avait opposition, le jour suivant il recevrait les réclamations dans le comitium. Milon transporta sa troupe dans le Forum pendant la nuit pour y attendre Clodius ; mais il apprit qu’il avait été joué, et que le consul se dirigeait, par des rues écartées, vers le Champ-de-Mars. Il l’atteignit sur le Capitole pour lui présenter son opposition. Le consul, pris en flagrant délit de perfidie, s’éloigna au milieu des insultes. Quelques jours après, Cicéron écrivait à Atticus que Milon était dans le Champ-de-Mars, et qu’à la