Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte de la maison de Clodius il n’y avait qu’un ramas de gens en guenilles avec une lanterne, tandis que dormait encore Marcellus, un des candidats, car Cicéron l’entendait ronfler. La présence de Milon empêcha qu’on tînt les comices dans le Champ-de-Mars ce jour-là. Le sénat s’assembla en petit nombre. Les amis de Cicéron soutenaient que Clodius devait être jugé avant les comices, les partisans de Clodius demandaient que l’on procédât sans retard à l’élection. Cicéron et Clodius étaient en présence dans la curie : le premier parla, le second répondit. Pendant son discours, on entendit les cris des siens, qui hurlaient dans le Forum. Il n’y eut cette année-là ni jugement ni élection. Le sénat ne décida rien.

Au commencement de l’année suivante, Clodius parvint à se faire nommer édile. À son tour, il voulut accuser Milon de violences. Tous deux comparurent devant le tribunal, escortés de leurs gladiateurs. Caton et Pompée défendirent Milon. Pompée, interrompu par les clameurs des partisans de Clodius, ne se laissa point intimider ; recommençant plusieurs fois son discours, il réussit à se faire écouter. Clodius par la durant deux heures, interrompu aussi à tous momens par des injures, par des quolibets et des vers satiriques sur lui et sa sœur Clodia. Pâle de colère, de sa voix furieuse, il finit par dominer les cris. Plutôt que de s’adresser à ses juges, se tourna vers le peuple, et, montant sur un lieu élevé, probablement les marches du temple de Castor, il dit : « Qui est un autocrate impuni ? Qui fait mourir le peuple de faim ? Qui se gratte la tête avec son doigt ? » À toutes ces questions, à d’autres encore plus injurieuses, le peuple, frémissant de rage ou éclatant de rire, répondait : « C’est Pompée ! c’est Pompée ! » Puis les gens de Clodius se mirent à cracher au visage de leurs adversaires ; ce fut le signal d’une mêlée générale dans laquelle ils eurent le dessous et se virent forcés de vider le Forum. Dans la curie, on n’accusa ni Clodius ni Milon, mais on accusa Pompée, dont le discours avait aigri le peuple. Le sénat lui-même pardonnait tout bas à Clodius, parce qu’il gênait Pompée.

Un autre jour, celui-ci vint se défendre devant les sénateurs réunis au Champ-de-Mars, dans le temple d’Apollon. Attaqué vivement par un tribun et soutenu par Cicéron, Pompée, qui devenait énergique lorsqu’il se mettait en colère, fit entendre des menaces et s’en prit à Crassus, n’osant s’en prendre à César ; mais la visite à Lucques le réconcilia avec Clodius, que protégeait César. Clodius, de son côté, se déclara l’ami et le soutien de Pompée, qu’après son enrôlement dans le parti de César il n’avait plus de raisons pour combattre. Son audace contre le sénat et les consuls s’en accrut. Un jour qu’on l’avait interrompu à la tribune, il se précipita comme