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de Tigrane, confié à la garde de Pompée, le noble descendant des Claudii avait donné la mort à un honnête chevalier romain. Enfin, évoquant, lui aussi, les souvenirs que cette voie faisait naître, l’orateur attestait les tombeaux, les autels enfouis des Curiaces, qui n’existaient déjà plus de son temps, et leurs bois sacrés, que Clodius avait fait disparaître sous ses substructions insensées ; il adjurait ces tombeaux, qui existaient donc alors, et dont ce passage indique où il faudrait chercher les restes ; enfin il adjurait, contre Clodius, le Jupiter du mont Albain, de la belle montagne où s’élevait il y a cent ans le temple de Jupiter, et qui se dresse encore au-dessus de ce lac, le lac d’Albano, que Cicéron accusait Clodius d’avoir profané par ses coupables plaisirs. Enfin Cicéron dit que le lieu est rempli de voleurs, par où nous voyons que, de ce côté, les environs de Rome étaient encore moins surs de son temps qu’ils ne le sont aujourd’hui.


III.

C’est à dater du procès de Milon que le parti du sénat montre plus clairement sa défiance de César et que Pompée commence contre son habile rival cette guerre sourde et maladroite qui devait le perdre. Pendant ce consulat sans partage d’autorité. Pompée prit plusieurs mesures qui sentaient le dictateur. Il mit un frein à la parole en bornant la durée du discours des orateurs, et défendit de porter des armes dans la ville, sage mesure, mais qui ne paraît point avoir été exécutée ; elle a été prise il y a quelques années par un général français à Rome, où l’usage du couteau ne rappelle que trop de nos jours l’emploi de la sica au temps de Clodius.

À cette même époque, César livrait des batailles plus glorieuses que celles qui ensanglantaient le Forum romain. La Gaule, presque entièrement soumise, se soulevait tout entière, unie pour la première fois sous la main d’un chef suprême, Vercingétorix. César déploya dans cette nouvelle phase de sa conquête une habileté et une activité extraordinaires, et écrasa, s’il faut l’en croire, sous les murs d’Alesia, une armée de trois cent quatre-vingt mille hommes<ref> Un capitaine digne de le juger, Napoléon, ne l’a pas cru. (Précis des campagnes de César, p. 110.) </<ref>. À Rome, vingt jours d’actions de grâces furent décrétés ; un historien dit même soixante. Cette victoire permettait de considérer la conquête de la Gaule comme terminée, et dès ce moment la pensée constante du sénat fut d’arracher à César sa province et son armée. C’était bien ce que désirait Pompée, mais il n’osait le dire ouverte-