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jugeras convenable. » Pompée répondit : « J’obéirai aux consuls, » et il ajouta : « S’il est nécessaire, » soutenant son personnage de modéré irrésolu jusqu’au bout. Curion, après avoir démenti le faux bruit de l’arrivée de César, après s’être plaint des armemens que la république faisait pour sa défense, après avoir, comme tribun, défendu d’obéir aux consuls, retourna vers César : il avait bien gagné son argent.

Le dénoûment approchait. Antoine était tribun, comme Curion l’avait été ; son langage au Forum fut encore plus violent contre Pompée, ce proconsul d’Espagne qui campait aux portes de Rome avec une armée. Pompée commençait à craindre César, mais trop tard, comme disait Cicéron. On n’avait rien fait pour le désarmer, on n’avait su que l’irriter ; cela ne lui donnait aucun droit, mais lui créait une grande force. De Ravenne, il se mit à traiter avec le sénat et lui fit connaître par une lettre ses conditions : Pompée et lui déposeraient le pouvoir proconsulaire, mais jusqu’à l’élection des consuls on lui laisserait deux légions, la Gaule cisalpine et l’Illyrie, au moins l’Illyrie et une légion. Si le sénat acceptait, César, sûr d’être nommé consul, ayant pour lui la faveur de l’armée et du peuple, était le maître, et la république romaine avait cessé d’exister. Tous ceux qui ne voulaient point d’un maître, qui voulaient conserver la constitution de leur pays, quoique ébranlée, et sa liberté, quoique orageuse, tous ceux-là devaient repousser des conditions qu’un général, quelque habile et quelque heureux qu’il eût été, n’avait nullement qualité pour imposer. Cette lettre était une sommation à Pompée de déposer le pouvoir, une promesse en ce cas de le déposer également, et, si Pompée n’y consentait point, une menace de venir à Rome venger les injures faites à lui, César, et à ses amis. On refusa d’abord d’entendre la lecture de la lettre ; deux tribuns qui appartenaient à César, Cassius Longinus et Antoine, en obtinrent la lecture : elle fut regardée avec raison comme une déclaration de guerre à laquelle il n’y avait pas à répondre. Ici commence une suite de délibérations orageuses dont le lieu n’est point indiqué, et qui durent se passer dans différens temples, peut-être dans la curie de Pompée ; la Curia Hostilia, incendiée aux funérailles de Clodius, n’était pas encore relevée. Il semblait que le sénat, quand la dernière heure de son importance politique était près de sonner, en fût averti par le sort qui lui enlevait le lieu ordinaire de ses réunions : la curie n’existait plus, et bientôt le sénat n’existerait plus que de nom. Dans ces séances agitées, un petit nombre de voix s’élevèrent en vain pour que l’on donnât du temps à César, qu’on cherchât à s’entendre avec lui. Toute entente était impossible entre ceux qui voulaient conserver la constitution et celui qui la minait depuis