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nuit on vole et on tue ici... On dit que ce sont des soldats du régiment des gardes et des mousquetaires. Nous sommes arrivas à la lie de tous les siècles... » Voilà comment un homme spirituel, mais passionné et atrabilaire, qualifiait la plus brillante époque du grand règne. Il faut entendre encore Gui Patin sur d’autres misères sociales, suites de la débauche et de l’immoralité. En 1655, une demoiselle de la cour, séduite par le duc de Vitry, étant morte d’un avortement, la sage-femme à qui la malheureuse avait eu recours fut pendue. « À ce sujet, disait le terrible docteur, les vicaires-généraux se sont allés plaindre au premier président que, depuis un an six cents femmes, de compte fait, se sont confessées d’avoir tué et étouffé leur fruit. »

La création d’un hôpital des enfans trouvés à Paris (juin 1679) diminua sans doute le nombre des infanticides. Quant aux assassins et aux voleurs, La Reynie avait obtenu des résultats remarquables par l’établissement d’une garde de nuit et de lanternes publiques. « Il créa, dit Voltaire, une garde continuelle, à pied et à cheval, pour veiller à la sûreté des Parisiens. » Le cadre formé, La Reynie ne négligea rien pour l’agrandir. « La garde de nuit de cette ville, écrivit-il à Colbert le 21 novembre 1679, demande aussi quelque augmentation de dépense, et il est extrêmement à craindre que, dans ces longues nuits de la saison, on ne vienne à découvrir qu’il n’y a que bien peu de gens sur pied, et qu’on peut entreprendre presque sans danger contre la sûreté publique. Personne ne peut savoir aussi bien que vous de quelle conséquence il est pour le service du roi et pour la satisfaction des habitans de Paris de maintenir la tranquillité et la douceur dans laquelle ils vivent depuis quelque temps, et il est bien plus aisé de la conserver présentement qu’il ne seroit facile de la rétablir, si elle étoit une fois troublée. » Un arrêt du conseil du 28 janvier 1668 avait ordonné le dénombrement des lanternes posées l’année précédente et mis la dépense à la charge des quartiers, comme pour le nettoiement des rues. Pour consacrer et perpétuer ce souvenir, Louis XIV fit frapper une médaille avec la légende : securitas et nitor. Bientôt l’éclairage public se généralisa : un édit de juin 1697 constate que, de toutes les améliorations, aucune n’avait été plus utile et mieux appréciée. Considérant comme un devoir d’aviser aussi à la sûreté et commodité des autres villes du royaume, Louis XIV ordonnait « d’y faire le même établissement et de les mettre à même de le soutenir à perpétuité. » Les six mille cinq cents lanternes[1] qui éclairaient Paris vers la fin du XVIIe siècle étaient garnies de chandelles. Rien ne

  1. Le nombre des becs de gaz était, à la fin de 1863, de 24,800 pour une population de 1,700,000 habitans.