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blonds, un peu dérangés, encadraient son visage, que la rapidité du trajet avait animé et qu’alanguissaient pourtant de secrètes émotions. Maxime l’admirait, et elle en était heureuse; mais bientôt elle se cacha derrière un gros bouquet de fleurs des champs qu’elle tenait à la main. Maxime alors se pencha vers elle. — Ah! que c’est mal! lui dit-il; ôtez ces fleurs qui vous cachent, ou plutôt donnez-les-moi : je les garderai comme un souvenir de ces belles heures qui ont fui trop vite.

— Soit, répondit-elle en lui tendant le bouquet, pourvu que vous ne me regardiez plus comme tout à l’heure.

Cependant les chevaux avaient continué de marcher sans bruit sur l’épais sable jaune de l’avenue. Maxime et Gabrielle s’avançaient donc silencieusement, lorsque tout à coup Victor et Mme d’Hérelles débouchèrent d’une allée transversale. Eux aussi marchaient doucement l’un près de l’autre en causant à voix basse. En se rencontrant de la sorte à l’improviste, tous les quatre s’arrêtèrent. Maxime rendit son bouquet à Gabrielle; Victor s’éloigna de Laurence. Ils essayèrent de composer leurs visages, mais trop tard pour qu’ils ne se fussent devinés. Ce fut une révélation d’autant plus complète qu’ils l’avaient moins prévue. Ils avaient en effet espéré devenir coupables à l’insu les uns des autres, et s’étaient flattés que ceux qu’ils oubliaient ou trahissaient seraient plus lents ou moins hardis à les imiter. L’arrivée de quelques serviteurs qui venaient chercher les chevaux de M. d’Hérelles et de Mme Dorvon les enleva heureusement à leur embarras. Victor s’approcha de Mme Dorvon et l’aida à descendre. Maxime et Laurence ne se parlèrent pas. Ils rentrèrent ensemble au salon, où ils restèrent seuls quelque temps. Laurence chantait à demi-voix et arrangeait les fleurs d’une jardinière ; Maxime se promenait en fouettant son pantalon du bout de sa cravache. Ils se regardaient parfois à la dérobée, mais détournaient aussitôt les yeux. Ils étaient mécontens et honteux d’eux-mêmes. Leur affection avait été si vraie, ils avaient toujours eu l’un dans l’autre une si grande confiance qu’ils étaient pris au dépourvu par ce désaccord soudain. En ce moment, un mot de Maxime eût jeté Laurence dans ses bras; mais ce mot, il ne le dit pas. Faire un pas vers Laurence, c’était sacrifier Mme Dorvon, et il ne pouvait s’y résoudre. Mme d’Hérelles ne s’abusa pas sur l’attitude de son mari. En démêlant les secrètes pensées de Maxime, elle fut froissée dans son orgueil autant que dans son amour; mais d’avance aussi elle se vit justifiée de toute faute qu’elle pourrait commettre par l’infidélité qu’il méditait, dont il était peut-être déjà coupable. Irritée et jalouse, ayant pour la première fois à douter de son mari, l’estimant moins et malgré cela tenant à lui davantage, elle tourna avec une