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motum perennem non rectum a Deo conditum esse, a dit Kepler, et les géomètres ont fait de cet axiome la base solide de la science du mouvement ; toutefois, en voulant appliquer ce principe, on rencontre dès les premiers pas bien des difficultés. Les points d’un même corps sont solidaires, leur distance doit rester invariable ; si donc on les lance dans des directions différentes, ce qui a lieu lorsqu’on imprime au corps une rotation, il faut absolument qu’ils réagissent les uns sur les autres, en s’imposant en quelque sorte des concessions mutuelles, sinon le corps se brise et vole en éclats ; c’est ce qui arrive, par exemple, lorsque dans une machine la roue du volant se trouve lancée avec une trop grande vitesse. Mais les corps solides des géomètres ne se brisent jamais ; ils trouvent dans leur rigidité, inflexible par hypothèse, la force nécessaire pour écarter incessamment chaque point de la ligne droite qu’il tend à suivre et qui le séparerait des autres. Le mouvement général qui concilie tout est fort compliqué lorsqu’il s’agit d’un corps irrégulier, et l’on ne s’en fait tout d’abord qu’une idée fort obscure. Poinsot l’a beaucoup éclaircie ; c’est là une des questions qui l’ont le plus occupé et, comme il le dit lui-même, une des choses qu’il a le plus désiré de savoir en mécanique. Dans le cas d’un corps régulier tournant autour de son axe de figure, le phénomène devient d’une extrême simplicité ; la rotation persiste indéfiniment avec la même vitesse, et se fait toujours autour du même axe tant qu’aucune influence extérieure n’intervient. Pour changer la direction de l’axe, il faut changer celle de toutes les vitesses qui animent les différens points ; l’effort nécessaire grandit avec ces vitesses, et l’on peut faire en sorte que, dans l’expérience du gyroscope, les frottemens qui restent les mêmes n’aient plus la puissance de le développer. Le corps, suspendu comme nous l’avons dit et animé d’un mouvement rapide de rotation, conservera donc la même direction dans l’espace ; il est soustrait ainsi à la rotation de la terre, son centre seul y participe, mais selon notre façon de juger les choses, nous verrons son axe décrire un cône de révolution avec une vitesse telle que si l’expérience se prolongeait, il accomplirait un tour en vingt-quatre heures.

Le système de suspension, légèrement modifié, permet de retirer peu à peu à l’instrument la liberté absolue qu’on lui laisse dans la première expérience ; on peut à volonté fixer l’axe du corps dans un plan horizontal ou vertical d’où il ne peut plus sortir, en restant toutefois absolument libre de s’y mouvoir en tout sens. Lorsque le plan choisi est horizontal, l’axe du gyroscope ne peut y rester en équilibre qu’en se dirigeant vers le nord, et c’est autour de cette direction qu’on le voit immédiatement osciller, formant ainsi une sorte de boussole mécanique dans laquelle le magnétisme ne joue