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passion qu’elles font naître par le travail même qu’elles demandent, cette estime de soi que donne le sentiment qu’on a d’être utile et l’orgueil légitime qui vient du dédain d’une popularité frivole, enfin cette plénitude de contentement intérieur qu’on ressent à vivre dans son œuvre et qui fait que certains savans regardent avec plus d’effroi que de plaisir et diffèrent sans cesse le jour où elle sera terminée, je ne doute pas qu’on ne préférât de beaucoup ces existences obscures et solitaires à celles de nos écrivains en renom, uniquement occupés d’ouvrages de courte haleine, et qui n’ont d’autre souci que de chercher par des travaux de quelques semaines des succès de quelques jours.

L’ouvrage de M. de Rossi s’ouvre par une savante préface, dans laquelle il attaque courageusement la principale difficulté de son sujet. Si l’on ne s’est pas servi des inscriptions chrétiennes avec autant de succès que des autres, c’est qu’elles présentent un grave inconvénient. On en a trouvé à Rome plus de onze mille, et sur ce nombre il y en a quatorze cents à peine qui soient datées. Or des inscriptions sans dates ne peuvent pas être très utiles à un historien. Pour qu’il en tire quelques lumières, il faut qu’il puisse les rapporter à une époque certaine. M. de Rossi pense avoir trouvé le moyen d’y arriver. Nous saurons plus tard, quand il aura publié les autres volumes de son recueil, si ce moyen est aussi infaillible qu’il le suppose; en attendant, il nous fait part dans sa préface des principales règles de sa méthode, et nous pouvons les résumer après lui. Quand une inscription chrétienne ne porte pas sa date avec elle, c’est par conjecture qu’il faut l’établir. M. de Rossi veut qu’on cherche d’abord à savoir en quel lieu elle a été trouvée. Si elle vient des catacombes, ce qu’il est assez facile de reconnaître à certains signes particuliers, elle est antérieure au triomphe du christianisme. Jusqu’à Constantin, l’église cachait soigneusement ses morts, et c’est seulement sous son règne qu’elle commence à étaler ses sépultures. Elle prend alors si bien confiance en sa victoire que Julien lui-même ne réussit pas à l’intimider et à la faire rentrer dans ses souterrains. M. de Rossi a victorieusement établi, contrairement à l’opinion générale, que toutes les pierres qui viennent des catacombes sont antérieures au Ve siècle. Voilà une première indication, mais encore bien incertaine, et qui laisse l’esprit flotter entre trois ou quatre siècles. Si l’on veut arriver à des résultats plus précis, il reste la ressource d’étudier l’inscription en elle-même. Bien des signes, quand on la regarde de près et avec un œil exercé par la comparaison, trahiront son âge. M. de Rossi montre comment les symboles qui y sont peints ou gravés, le nom des personnages qui, comme on sait, change avec chaque époque, enfin, à défaut