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latin a précieusement recueillie, et dans laquelle le poète fait parler un père qui vient de perdre ses deux fils. La voici :


« Enfans, vous habitez aujourd’hui le royaume du ciel, après nous avoir été ravis si jeunes par une mort prématurée; mais moi, quel repos puis-je trouver dans cette vie qui me pèse et me retient, moi qui n’ai plus rien à attendre qu’une éternelle douleur? Pourquoi donc m’avez-vous donné ces joies trompeuses? Pourquoi ai-je connu cet amour qui devait faire mon tourment? Je me retrouvais dans vos jeunes visages, et il me semblait que ma vie écoulée allait renaître avec la vôtre. Je sens maintenant tous les chagrins que cause une espérance trompée. Ce qu’il y a de plus cruel dans les malheurs qu’on souffre, c’est l’amer souvenir des vœux qu’on avait autrefois formés. »


On ne croirait guère que ces vers aient été écrits au VIe siècle, dans le royaume des Ostrogoths, après Alaric et Attila; mais on n’en écrivit pas longtemps de pareils. Après la mort de Théodoric, les troubles recommencèrent. Les Barbares, un moment arrêtés, se remirent en marche pour l’Italie, et la victoire des Lombards rendit la barbarie complète. M. de Rossi s’était proposé, comme terme de son travail, le commencement du VIIe siècle; mais il est obligé de s’arrêter plus tôt. Dès 589, on ne trouve plus d’inscriptions.

Tel est le premier volume de M. de Rossi. Quelque intérêt qu’il présente, il ne me paraît pas douteux que les volumes suivans en offriront encore bien davantage. Ils doivent contenir un plus grand nombre d’inscriptions antérieures à Constantin, et celles-là sont de beaucoup les plus importantes. Aujourd’hui l’attention publique est fixée sur les origines du christianisme. On veut remonter le plus haut qu’on le peut dans l’histoire de son établissement, de ses luttes, de ses premières victoires. Or ce n’est que par les inscriptions qu’on peut le faire. Bien avant que Méliton, saint Justin ou Minucius Félix n’aient commencé à écrire, les chrétiens enterraient leurs morts dans les catacombes, et écrivaient sur ces sarcophages de pieuses épitaphes. Quelques-unes d’entre elles, surtout si M. de Rossi parvient à les rapporter à des dates certaines, nous donneront, il faut l’espérer, des renseignemens curieux sur la vie chrétienne en ces premiers temps, sur les croyances, sur les pratiques, sur la hiérarchie et le gouvernement de l’église naissante, et jetteront ainsi quelques lumières nouvelles sur le plus grand événement de l’histoire.


II.

Le lecteur aura remarqué, sans doute avec quelque regret, que les hommes éminens dont je viens de citer les noms, Borghesi,