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prix de beaucoup de fatigues et de quelques périls, qui campe à la belle étoile et court les aventures, convienne mieux à notre caractère que celle qui s’enferme dans les bibliothèques et ne voyage que dans de vieux livres. Aussi presque toutes ces explorations ont-elles été fécondes pour la science. Elles ont fait mieux connaître des pays qui ont tenu une grande place dans l’histoire du passé, résolu des questions douteuses, et rapporté des monumens épigraphiques du plus haut intérêt. M. Heuzey, l’habile explorateur du mont Olympe et de l’Acarnanie, a visité la Thrace et la Macédoine, et étudié avec soin les champs de bataille de Philippes et de Pharsale, où le gouvernement du monde a été changé. M. F. Lenormant a fouillé le sol sacré d’Eleusis, qui conserve tant de souvenirs de la religion et de la gloire d’Athènes. M. Guérin a parcouru la Tunisie. M. Renan a cherché les monumens phéniciens qui restent encore dans la Palestine. M. Perrot, pour son coup d’essai, a découvert une partie inédite du texte grec du testament d’Auguste, et rapporté une copie plus exacte du texte latin. enfin MM. de Vogué et Waddington ont pénétré dans des pays qu’on n’avait pas visités avant eux, et ils y ont fait d’importantes découvertes. Dans la partie la plus sauvage de la Syrie et dans le Haouran, ils ont trouvé, non pas des monumens isolés, mais des villes entières, telles qu’elles furent abandonnées, il y a douze siècles, à l’approche des Arabes. Près de trois cents de ces villes s’aperçoivent encore dans ces pays, habités par les Druses, et qui sont fermés aux Européens. On peut se promener dans leurs rues désertes, visiter leurs maisons effondrées et ces portiques où grimpe la vigne sauvage. On y reconnaît des monumens d’âges divers, depuis les temples grecs construits par les successeurs d’Hérode jusqu’aux basiliques chrétiennes, sur les murs desquelles on fit encore de pieuses inscriptions. Tout a été respecté, car les Arabes sont les plus conservateurs de tous les barbares. Comme ils ne se bâtissent pas de demeure, ils n’éprouvent pas le besoin de détruire les monumens anciens pour en prendre les pierres, ainsi qu’on a fait à Rome dans des siècles qui se disaient civilisés. Après avoir traversé en curieux ces villes d’où les chrétiens venaient de s’enfuir, ils se sont empressés de les abandonner pour aller dresser leurs tentes dans les plaines voisines. MM. de Vogué et Waddington n’ont pas encore fait connaître au public le récit détaillé de leurs découvertes; la plupart des autres relations de voyage sont en voie de publication, et quelques-unes commencent à peine. Il sera temps, quand elles seront achevées, de les étudier chacune à part et avec le soin qu’elles méritent. Aujourd’hui je dois me borner à une énumération rapide, qui suffit à montrer que ces dernières années n’ont pas été perdues, chez nous, pour l’archéologie ancienne.