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nationale revient aux femmes américaines. La guerre avait à peine commencé que déjà des comités de dames se formaient spontanément dans toutes les parties de l’Union pour venir en aide aux soldats qui répondaient à l’appel du président. Émues à bon droit par le tumulte croissant de la révolution, les parentes et les amies des volontaires ne savaient trop de quelle manière elles devaient agir. Elles travaillaient un peu au hasard sans combiner systématiquement leurs efforts; dépourvues de l’expérience nécessaire, elles ne savaient pas agir de concert pour la défense de la patrie commune. Tel comité s’occupait de l’équipement des engagés, tel autre armait à ses frais un bataillon, une compagnie, ou recueillait des fonds pour envoyer aux soldats des provisions de bouche; la plupart se bornaient à faire de la charpie, à tricoter et à coudre des vêtemens. Chaque ville, chaque village de la Nouvelle-Angleterre, de New-York et des états de l’ouest, eut bientôt son association de femmes s’efforçant de coopérer par le travail manuel et par la propagande à l’œuvre que les soldats volontaires allaient entreprendre sur les champs de bataille. Quelques jours après la prise du fort Sumter par le général Beauregard, alors que la guerre civile, qui devait plus tard être si meurtrière, n’avait pas encore coûté une seule existence, les femmes américaines étaient déjà debout sur tous les points de l’Union, et prouvaient la sincérité de leur patriotisme par l’abondance de leurs présens. La plupart des hommes politiques du nord affectaient de voir dans la rébellion un mouvement sans portée. M. Seward lui-même comptait pouvoir la réprimer en quatre-vingt-dix jours ; mais, comme si un instinct prophétique les eût averties, les femmes se préparaient patiemment à de longues années de luttes, de souffrances et d’angoisses.

Isolées, les diverses associations de secours rendirent, il est vrai, de grands services; mais le manque d’union dans leurs efforts eut naturellement pour conséquence un gaspillage énorme de richesses. On comprit bientôt qu’il serait inutile d’attendre de meilleurs résultats tant que les sociétés éparses dans les divers états de la république ne s’uniraient pas, comme les états eux-mêmes, au moyen d’un pacte fédéral, et ne se donneraient pas un comité central de direction. Quelques dames de New-York prirent l’initiative de ce mouvement de centralisation. Leur comité, constitué quelques jours après les événemens de Charleston, avait, dès les premiers jours d’alarme, recueilli une quantité considérable d’objets de toute espèce nécessaires aux malades et engagé pour le service des hôpitaux plus de cent femmes dévouées; mais le grand embarras était de savoir où les provisions et les infirmières devaient être envoyées. Dans leur perplexité, les dames patronesses demandèrent le concours