Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de pharmacie, bandages, béquilles, sont expédiés d’abord dans les grandes cités où se trouvent les bureaux de classement, puis répartis entre les diverses armées en proportion de leurs besoins. Les dons spécialement destinés aux volontaires de tel état ou de tel régiment sont refusés : la commission, embrassant l’Union tout entière dans son œuvre patriotique, ne veut connaître que des fédéraux dans l’armée, et tous les soldats qui souffrent lui semblent avoir un droit égal à la sympathie de la nation. Les agens accrédités par la commission de santé auprès de chaque corps de troupes sont tenus de ne faire aucune distinction entre les volontaires du Massachusetts et ceux de l’Illinois, entre les natifs de l’Amérique et les émigrans de l’ancien monde, entre les blancs et les noirs ; les jours de bataille, ils doivent même ignorer si les blessés qu’ils recueillent et qu’ils soignent sont des unionistes ou des rebelles. De tous les infirmiers que les inspecteurs sanitaires dressent eux-mêmes à la garde des blessés, ceux qui comprennent le mieux cette mission de charité universelle et qui sont en même temps les plus dévoués, les plus consciencieux, les plus aimés des malades, sont certainement les femmes. Plusieurs d’entre elles, suivant l’exemple donné pendant la guerre de Crimée par l’excellente miss Nightingale, ont dit adieu à toutes les douceurs de la famille et d’une vie élégante pour se consacrer entièrement au service des hôpitaux militaires et des ambulances. Elles prouvent par leurs actes qu’il n’est pas indispensable de songer uniquement à faire son salut pour savoir respirer sans répugnance l’horrible atmosphère qui règne dans une infirmerie de blessés. L’ardent amour de la patrie, un sentiment profond de la fraternité humaine, suffisent à leur rendre le dévouement facile ; modestes héroïnes de tendresse et de grâce, elles accomplissent leur mission avec un enthousiasme joyeux et une simplicité qui ravissent tous les cœurs. Lorsque la guerre aura cessé de désoler les États-Unis, des milliers de soldats des deux armées ennemies se souviendront avec émotion des soins que ces femmes leur ont prodigués.

Afin de ne porter aucune atteinte à la stricte discipline des camps, les délégués de la commission sanitaire attendent l’invitation des chirurgiens en titre de l’armée pour offrir les services de leurs infirmiers et l’usage de leurs pharmacies, de leurs dépôts d’approvisionnemens, de leurs ambulances. Ils s’abstiennent avec soin de toute vaine intervention tant que les hôpitaux sont abondamment pourvus des objets nécessaires au pansement des blessés et au traitement des malades ; mais que le service médical de l’armée vienne à souffrir à la suite de quelque désastre ou d’un malentendu, et ils apparaissent aussitôt. Pendant la première année de la guerre, alors