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de notre établissement est dans des conditions excellentes pour devenir le centre d’un grand mouvement commercial avec l’intérieur du pays et entretenir des relations directes avec les états de l’Indo-Chine et de l’Europe.

Les habitans de la Basse-Cochinchine sont d’un caractère doux et timide; ils plient facilement sous la main qui les gouverne. Habitués à la dure discipline des mandarins, ils ont perdu jusqu’au sentiment de la servitude, et nul joug ne leur semble lourd. Deux élémens étrangers se mêlent à cette population et la modifient heureusement : l’un se compose de Chinois, l’autre de Malais. Les Chinois sont actifs et intelligens, avides d’accroître leur bien-être au prix des travaux les plus pénibles. Leurs défauts comme leurs qualités les portent au commerce, et ils s’y livrent avec une ardeur passionnée. Les Malais, d’un naturel violent, aiment les occupations où leur énergie se déploie; venus de contrées maritimes, ils conservent la vocation des insulaires pour la navigation. Ils retournent volontiers à leur premier métier de pirates plutôt que de rester dans l’oisiveté.

On se tromperait étrangement si on croyait que la Basse-Cochinchine est plongée dans la barbarie. Elle jouit au contraire d’une civilisation qui, sans répondre aux idées que ce mot fait naître dans l’esprit des Européens, n’en est pas moins réelle à un certain degré. Sous ce rapport, le royaume d’Annam se rapproche beaucoup de la Chine, avec laquelle ses relations de voisinage le mettent journellement en contact. Les Annamites sont sectateurs de Bouddha, mais ils n’ont en réalité aucune foi sérieuse, et ils ignorent pour la plupart les dogmes du bouddhisme. Ils sont superstitieux et invoquent la protection de génies dont ils se croient volontiers entourés. Leur imagination s’est créé un monde de fées auxquelles ils prêtent un pouvoir surhumain, et dont l’intervention sert de thème à une foule de légendes populaires qu’ils se transmettent de génération en génération. Les missionnaires européens qui ont porté leur apostolat à travers tant de périls dans cette contrée lointaine n’en affirment pas moins que les Annamites sont merveilleusement disposés à recevoir les salutaires enseignemens de la religion chrétienne.

Comme en Chine, l’instruction est le premier titre de distinction dans la société annamite. L’autorité appartient aux plus instruits. Tous les fonctionnaires civils et militaires sont gradués. L’avancement est subordonné à des concours littéraires pour les mandarins civils et à des exercices physiques pour les chefs militaires. Tout bachelier peut devenir fonctionnaire, tout licencié l’est de droit, sauf l’épreuve d’un examen préalable dans les bureaux de la haute administration. La société annamite est constituée d’après un cadre